RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

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796 CHAPITRE XVII.
sinon avec contumelie. Laquelle perversité ne devoit pas estre
tolerable, mesirie entre les Payens. Or le Seigneur requiert bien
autre chose des Chrestiens, qu'un visage joyeux et alaigre, à ce
qu'ilz rendent leur beneficence amiable par humanité et doul-
5ceur. Premièrement il fault qu'ilz prennent en eux la personne de
celuy qui ha nécessité de secours ; qu'ilz ayent pitié de sa fortune,
comme s'ilz la sentoient et soustenoient : et qu'ilz soient touchez
d'une mesme affection de miséricorde à luy subvenir, comme à
eux mesmes. Celuy qui aura un tel couraige, en faisant plaisir à
îoses frères, non seulement ne contaminera point sa beneficence
d'aucune arrogance ou reproche : mais il ne mesprisera point celuy
auquel il fait bien, pour son indigence, et ne le vouldra subjuguer,
comme estant obligé à luy. Tout ainsi que nous n'insultons point
à un de noz membres, pour lequel refociler, tout le reste du
is corps travaille : et ne pensons pas qu'il soit spécialement obligé
aux autres membres, pour ce qu'il leur a faict plus de peine,
qu'il n'en a prins pour eux. Car ce que les membres se communiquent
ensemble, n'est pas estimé gratuit : mais plustost payement
et satisfaction de ce qui est deu par la loy de nature. Par
äo ce moyen aussi nous gaignerons un autre poinct, que nous ne
penserons point estre délivrez et acquittez, quand nous aurons
faict nostre devoir en quelque endroit : comme on estime communément.
Car quand un homme riche a donné quelque chose
du sien, il laisse là et neglige toutes les autres charges, comme
25si elles ne luy appartenoient de rien. Aucontraire. un chascun
reputera, que de tout ce qu'il ha et de ce qu'il peut, il est debteur
à ses prochains : et qu'il ne doibt autrement limiter l'obligation
de leur bien faire, sinon quand la faculté luy deffault :
laquelle, tant qu'elle se peut estendre, se doibt réduire à cha-
30 rite.
Traictons maintenant de l'autre partie de l'abnégation
de nous mesmes : laquelle regarde Dieu. Nous en avons
desjà parlé cà et là : et seroit chose superflue, de repeter
tout ce qui en a esté diet. Il souffira de monstrer
35 comment elle nous doibt renger à patience et mansuétude.
Premièrement donc en cerchant le moien de vivre ou reposer
à nostre ayse, l'Escriture nous rameine tousjours là, que
nous resignans à Dieu, avec tout ce qui nous appartient,
nous luy submettions les affections de nostre cœur, pour