RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

644 CHAMTRÉ XÜ.
seule noz âmes consistent, lors qu'elles sont appellees à rendre
compte et raison : et sans laquelle en un chascun moment elles
tresbuchent et sont ruynées, quand ilz verront que la doctrine et
les exemples des Apostres leur contrarieront, et quand ilz se
s trouverront avoir esté seulz autheurs de leurs phantasies. Avec
telz assaulx surviendront plusieurs autres aiguillons et remors
de conscience. Quoy ? Estoit-ce une chose de nulle consequence,
qu'adorer Dieu en ceste forme ; sans qu'il nous en feust rien ordonné?
Failloit-il par si grande légèreté faire ce dont on n'a voit
10 jamais eu aucune parolle ; quand il estoit question du service et
de la gloire de Dieu? D'avantage puis que l'Escriture nous a
diligemment expliqué l'ascension de Jesus Christ : par laquelle
il a retiré de nostre veuë et conversation la presence de son corps,
pour nous oster toute charnelle pensée de luy : et toutesfois et
laquantes qu'elle faict mention de Jesus Christ, elle nous admoneste
d'eslever noz Espritz en hault, et de le cercher au ciel,
séant à la dextre du Père. Il le failloit plustost adorer spiri- Collos. 3,
tuellement en la gloire des cieux, qu'inventer ceste si dangereuse
forme d'adoration qui nous remplist de lourde et charnelle cogi-
ÎO tation de Dieu et de Jesus Christ. Parquoy ceux qui ont controuvé
l'adoration du Sacrement, ilz l'ont songée d'eux mesmes
oultre l'Escriture, en laquelle il ne s'en peut monstrer un mot,
ce qui n'eust point esté oublié, si elle eust esté aggreable à Dieu.
Et pourtant ilz ontmesprisé Dieu : lequel ne deffend pas moins
ÎS d'adjouster à son Escriture, que d'en rien oster, et en se forgeant
un Dieu à leur plaisir et volunté, ilz ont laissé le Dieu vivant : Deut. 12.
parce qu'ilz ont adoré les dons au lieu du donateur mesme. Où
ilz ont doublement failly : car l'honneur a esté ravy à Dieu, pour
le transferer à la creature. Et Dieu aussi a esté deshonoré, en ce.
so qu'on a pollué et prophané son don et benefice, quand de son
Sainct Sacrement, on a faict un ydole execrable. Nous aucontraire,
à fin que ne tombons en mesme fosse, fichons entièrement
noz aureilles, noz yeux, noz cœurs, noz pensées, noz langues, en
la tressacrée doctrine de Dieu: car elle est l'echolle du Sainct
3s Esprit tresbon maistre : en laquelle on proffite tellement, qu'il
n'est mestier d'y rien adjouster d'aillieurs, et est à ignorer voluntiérs
tout ce que en icelle n'est point enseigné.
Jusques icy nous avons traicté comment ce Sacrement
sert a nostre Foy devant Dieu. Or puis que nostre Seigneur