RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

DE LA CENE. 649
posée : tousjours nous demeureroit fermée et close l'entrée à la
reception du Sacrement, par celle horrible prohibition : qui porte
que ceux là mengent et boyvent leur jugement, qui mengent et
boyvent indignement du Sacrement. Maintenant il est facile à
s juger quelle est ceste doctrine, et de quel autheur elle est venue :
laquelle prive et despouille les povres pécheurs de toute la consolation
de ce Sacrement : auquel toutesfois toutes les doulceurs
de l'Evangile nous estoient proposées. Certes le Diable, pour le
plus court, neust sceu mieux perdre les hommes, que de ainsi
10 les décevoir et abestir : à fin qu'ilz ne prinssent point le goust
ne saveur de telle nourriture : par laquelle le tresbon Père
celeste les avoit voulu repaistre. A fin donc que ne tresbuschions
en telle confusion et abysme, congnoissons que ces sainctes viandes
sont médecine aux malades, confort aux pécheurs, aumosne
is aux pouvres : lesquelles ne serviraient de rien aux Sainctz, justes
et riches, s'ilz s'en povoient trouver aucuns. Car puis qu'en
icelies Jesus Christ nous est donné pour nourriture : nous entendons
bien que sans luy nous deffaillons et allons à néant. D'avantage
puis qu'il est donné pour vie : nous entendons bien que sans
20 luy nous sommes du tout mortz en nous mesmes. Parquoy celle
est la seule et tresbonne dignité, laquelle nous povons apporter
à Dieu, que luy offrions nostre vilité et indignité, à fin que. par sa
miséricorde, il nous face dignes de soy : que nous soyons confuz
en nous mesmes, à fin d'estre consolez en luy : que nous nous
25 humilions en nous mesmes, à fin que soyons exaltez en luy : que
nous accusions nous mesmes, à fin que soyons justifiez en luy :
que soyons mortz en nous mesmes, à fin d'estre vivifiez en luy.
D'avantage que nous desirions et tendions à celle unité, laquelle il
nous recommande en sa Cène. Et comme il nous fait estre tous un
30 en luv : que ainsi nous souhaitions qu'un mesme vouloir, un mesme
cœur, une mesme langue soit ennous tous. Si nous avions bien
pensé et considéré ces choses : jamais ces cogitations ne nous
troubleroient. Comment nous estans despourveuz et desnuez de
tous biens ; estans souillez et infectz de taches et péchez ; estans
35 demy mortz ; pourrions menger dignement le corps du Seigneur ?
Plustost nous penserions, que nous venons pouvres à un bening
aumosnjer : malades, au médecin : pécheurs au Sauveur : et que
celle dignité, qui est demandée de Dieu, consiste premièrement
et principalement en la Foy : laquelle attribue et colloque tout en