RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

DU GOUVERNEMENT
CIVIL.
CHAP. XYI.
Puis que ainsi est, qu'avons constitué deux regimes en l'homme,
et qu'avons desjà assez parlé du premier, qui reside en
l'âme, ou en l'homme intérieur, et concerne la vie éternelle :
ce lieu icy requiert que nous declairions aussi bien le second,
5 lequel appartient à ordonner seulement une justice civile, et
reformer les meurs extérieures. Premièrement devant que entrer
plus svant en ceste matière, il nous fault souvenir de la distinction
cy dessus mise : à fin qu'il ne nous advienne, ce qui
advient communément à plusieurs : c'est de confondre inconsiîoderement
ces deux choses, lesquelles sont du tout diverses.
Car iceux quand ilz oyent une liberté estre promise en l'Evangile,
laquelle ne recongnoist Roy ne maistre entre les hommes,
mais se tient à un seul Christ : ilz ne se pensent point recevoir
fruict aucun de -leur liberté, ce pendant qu'ilz voyent quelque
is puissance eslevée par dessus eux. Pourtant ilz ne pensent pas
que la chose puisse bien aller, si tout le monde n'est converty
en une nouvelle forme : en laquelle il n'y ayt ne jugemens, ne
Loix, ne Magistratz : ou s'il ya quelque chose semblable, par
laquelle ilz estiment leur liberté estre empeschée. Mais celuy
20 qui scaura discerner entre le corps et l'ame, entre ceste présente
vie transitoire, et la vie advenir, qui est éternelle : il entendra
pareillement assez clairement, que le Royaume spirituel de Christ,
et l'ordonnance civile, sont choses fort différentes. Puis donc que
c'est une folie Judaïque de cercher et enclorre le Regne de Christ
25 soubz les elemens de ce monde : nous plustost pensans (comme
l'Escriture apertement nous enseigne) le fruict que nous Galat.
avons à recevoir de la grace de Christ, estre spirituel, prenons '• Coi
songneusement garde de bien retenir en ses limites ceste liberté,
laquelle. nous est promise et offerte en iceluy Christ. Car
Institution. 48