RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

DE TA VIE GHRESTIENNE. 793
modestement, et modérément : mais aussi en doulceur et en
amitié. Comme aucontraire jamais on ne parviendra par autre
voye en vraye mansuétude, que en ayant le cœur disposé à se
abaisser, et honnorer les autres.
5 Quant est de faire nostre devoir à cercher l'utilité de nostre
prochain : combien y a-il de difficulté ? : si nous ne laissons derrière
la consideration de nous mesmes ; et nous despouillons de i.Cor.43.
toute affection charnelle : nous ne ferons rien en cest endroit.
Car qui est-ce qui accomplira les offices que Sainct Paul requiert
10 en charité ; sinon qu'il ayt renoncé à soy ; à fin de s'adonner du
tout à ses prochains? Charité, dit-il, est patiente, débonnaire, elle
n'est point fascheuse, ne insolente : elle n'ha nul orgueil, nulle
envie : elle ne cerche point son propre, etc. S'il n'y avoit que ce
seul mot là, que nous ne devons point cercher nostre propre utilité :
is encores ne fauldroit-il pas faire peu de force à nostre nature : laquelle
nous tire tellement en l'amour de nous mesmes, qu'elle ne
nous souffre point aysément négliger ce qui nous est bon, pour
veiller sur le proffit des autres : ou plustost quitter nostre droit,
pour le céder à noz prochains. Or l'Escriture, pour nous mener
20 à ceste raison, nous remonstre, que tout ce que nous avons receu
de grace du Seigneur, nous a esté commis à ceste condition :
que nous le conférions au bien commun de l'Eglise. Et pourtant
que l'usage legitime d'icelle, est une amiable et liberale communication
envers noz prochains : pour suyvré une telle communi-
25cation, on ne povoit trouver une meilleure reigle ne plus certaine,
que quand il est diet : Tout ce que nous avons de bon,
nous avoir esté baillé en garde de Dieu : et ce à telle condition,
qu'il soit dispensé au proffit des autres. Toutesfois l'Escriture passe
encores oultre, en accomparant les graces, que ha un chascun de
30 nous, à la propriété que ha un chascun membre en un corps
humain. Nul membre n'ha sa faculté pour soy, et ne l'applique
pointa son usage particulier, mais en use au proffit des autres.:
et n'en receoit nulle utilité, sinon celle qui procède du proffit qui
est communément espandu par tout le corps. En ceste manière
35 l'homme fidèle doibt exposer tout son povoir à ses frères : ne
provoyant point en particulier à soy, sinon qu'en ayant tousjours
son intention dressée à l'utilité commune del'Ëglise. Pourtant que
nous tenions ceste reigle, en bien faisant, et exerceant humanité :
c'est que de tout ce que le Seigneur nous a donné enquoy nous