RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

DE LA VIE CHRESTIENNE. 789
pour constituer nostre vie, neantmoins il a semblé expedient à ce
bon Maistre celeste, de former les siens par une doctrine plus
exquise, à la reigle qu['il] leur avoit baillée en sa Loy. Le commencement
donc de ceste manière qu'il tient est telle : à scavoir, que
5 l'office des fidèles est, d'offrir leurs corps à Dieu en hostie vivante,
saincte, et aggreable : et qu'en cela gist le service legitime que
nous avons à luy rendre. De là s'ensuit ceste exhortation : que les
fidèles ne se accommodent point à la figure de [c]e siècle, mais
soient transformés d'une renovation d'entendement, pour cercher
îo et congnoistre la volunté de Dieu. Cela est desjà un grand poinct :
de dire, que nous sommes consacrez et dédiez à Dieu, pour ne plus
rien penser d'ores en avant, parler, méditer, ne faire, sinon à sa
gloire. Car il n'est licite d'appliquer chose sacrée à usage prophane.
Or si nous ne sommes point nostres : mais appartenons au
15 Seigneur : de là on peut veoir, que c'estque nous avons à faire de
peur d'errer : et où nous avons à diriger toutes les actions de nostre
vie. Nous ne sommes point nostres pourtant que nostre raison
et volunté ne dominent point en noz conseilz, et en ce que
nous avons à faire. Nous ne sommes point nostres : ne nous estaîoblissons
donc point ceste fin, de cercher ce qui nous est expedient,
selon la chair. Nous ne sommes point nostres : oublions nous
donc nous mesmes, tant qu'il sera possible, et tout ce qui est à
l'entour de nous. Derechief, nous sommés au Seigneur : vivons et
mourons à luy. Nous sommes au Seigneur : que sa volunté donc
as et sägesse preside à toutes noz actions : Nous sommes au Seigneur
: que toutes les parties de nostre vie soient referees à
luy comme à leur fin unique. 0 combien a proffité l'homme ;
lequel se congnoissant n'estre pas sien : a osté la seigneu-.
rie et regime de soymesme à sa propre raison ; pour le resi-
30gner à Dieu : car comme c'est la pire peste que ayent les hommes,
pour se perdre et ruiner que de complaire à eux mesmes :
aussi le port unique de salut est, de n'estre point sage en soymesme,
ne vouloir rien de soy : mais suivre seulement le Seigneur.
Pourtant que ce soit là nostre premier degré, de nous retirer
35 de nous mesmes, à fin d'appliquer toute la force de nostre entendement
au service de Dieu. J'appelle service, non pas seulement
celuy qui gist, en l'obéissance de sa parolle : mais par lequel
l'entendement de l'homme, estant vuide de son propre sens,
se convertit entièrement et se submet à l'Esprit de Dieu. Ceste