RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

DE ORAISON. 539
l'usage des hommes : à fin qu'on ayt esgard à la commodité de tous,
et que comme dit S. Paul, tout se face en l'Eglise selon bon ordre 1. Cor. 1A.
et concorde. Toutesfois cela n'empesche point, qu'une chascune
Eglise ne se doive tousjours inciter à plus frequent usage de prier :
s et singulièrement quand elle se voit pressée de quelque nécessité.
Touchant de la perseverance, laquelle est aucunement prochaine
à la continuation, nous aurons opportunité d'en dire en la fin.
Or cela ne sert de rien pour maintenir la superstitieuse prolongation
et repetition des prières : laquelle nous est deffendue de
10 nostre Seigneur. Car il ne deffend pas de persister en prières,
ne longuement, ne souvent, ne avec affection vehemente : mais
il nous enseigne de ne nous point confier, que nous contreignions
Dieu à nous accorder noz demandes, en l'importunant par vaine
loquacité : comme s'il se pou voit fleschir par babil à la faceon
is des hommes.
Puis que la fin d'oraison est, comme desja devant a esté diet,
que noz espritz soient eslevez et tenduz à Dieu, pour souhaiter
sa gloire, et confesser ses louënges, et pour l'uy demander secours
en noz nécessitez : de ce nous povons congnoistre, que le princi-
20 pal de l'oraison gist au cœur et en l'esprit. Ou mesme plustot
que oraison proprement n'est que ce désir intérieur, se convertissant
et adressant à Dieu, qui congnoist les secretz des cœurs.
Pourtant nostre Seigneur Jesus Christ, quand il nous a voulu Mat. 6.
bailler une bonne reigle de faire oraison, il nous a commandé
25 d'entrer en nostre chambre : etl'huys fermé, de prier là en secret
nostre Père celeste : à fin que luy, qui voit et pénètre tous les secretz,
nous exauce. Car après nous avoir retiré de l'exemple des
hypocrites : qui par ambitieuse ostentation de prières', cerchent
d'estre glorifiez et favorisez du peuple : il adjouste et enseigne con-
30 sequemment ce qu'il fault faire : c'est à scavoir entrer en la chambre,
et y prier à porte fermée. Par lesquelles parolles, comme je
l'entendz, il nous instruit de cercher telle retraicte, qui nous ayde
d'entrer en nostre cœur de toute nostre pensée, nous promettant
que à telles intérieures affections de nostre cœur, nous aurons Dieu
35 prochain : duquel noz corpz doivent estre les vrays temples. Car
par ce il n'a pas voulu nyer, qu'il ne soit loysible et ne faille prier
en autres lieux : mais seulement a voulu declairer, que oraison est
une chose secrette, et qui gist principalement au cœur et en l'esprit :
duquel elle requiert la tranquilité, hors toutes affections char-