RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

542 CHAPITRE IX.
nom entendu : celuy qui tient le lieu d'un ignorant, comment
dira-il Amen à ta benediction? veu qu'il n'entend point ce que tu
dyz ? car tu rendz bien graces : mais un autre n'en est point
édifié. Qui est-ce donc qui se pourra assez esmerveiller d'une
5 audace tant effrénée qu'ont eu les Papistes : et ont encores ; qui
contre la defence de l'Apostre ; chantent et brayent de langue
estrangere et incongneüe, en laquelle le plus souvent ilz n'en
tendent pas eux mesmes une syllabe ; et ne veulent que les autres
y entendent ? Or Sainct Paul nous monstre que nous devons i.Cor.14.
îo tenir un autre chemin. Que feray-je donc? dit-il, Je prieray de
voix : jeprieray d'entendement. Je chantera y de voix: Je chanteray
d'intelligence. Auquel passage il use de ce mot d'esprit au lieu
que nous avons mis voix: mais en une mesme signification, car
il entend le son qui est formé de la respiration du gosier, et la
is reverberation de l'air. Toutesfois il nous fault tousjours penser
qu'il ne se peut faire que la langue sans le cœur (soit en oraison
particulière ou publique) ne soit fort desplaisante à Dieu. D'avantage
que l'ardeur et vehemence du vouloir doibt estre si grande,
qu'elle oultrepasse tout ce que peut exprimer la langue. Finale-
20 ment que en l'oraison particulière la langue mesmè n'est point
nécessaire, sinon d'autant que l'entendement n'est point suffisant
à s'esmovoir soymesme : ou bien que par emotion vehemente il
poulse la langue, et la contraint de se mettre en œuvre. Car combien
que aucunesfois les meilleures oraisons se facent sans par-
251er : neantmoins souvent il advient, que l'affection du cœur est si
ardante, qu'elle poulse et la langue et les autres membres sans
aucune affection ambitieuse. De là venoit que Anne mere de Sa- I.Sam.1.
muel, murmuroit entre ses lèvres, voulant prier. Et les fidèles
expérimentent journellement en eux le §emblable : quand en
30leurs prières ilz jettent des voix et souspirssans y avoir pensé.
Quand aux maintiens et faceons extérieures du corps qu'on ha
coustume d'observer (comme de s'agenoiller et de se deffuller) ce
sont exercices par lesquelz nous nous efforceons de nous appa-^
reiller à plus grand' reverence de Dieu.
35 Maintenant d'avantage il nous fault apprendre non seulement
la faceon de faire oraison : mais le stile mesme et formulaire Malt. 6.
que nostre père celeste nous en a donné par son trescher Filz
nostre Seigneur Jesus Christ. En quoy nous povons con- Luc II.
gnoistre une tresgrande bonté et doulceur. Car oultre ce qui