RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

DE LA PREDESTINATION. 495
ce que nous avons dit au commencement : à scavoir que la Predestination,
si elle est bien méditée, n'est pas pour troubler ouesbranler
la Foy : mais plustost pour la confermer tresbien.
Or les esleuz ne sont point tous assemblez par la vocation
s du Seigneur au troppeau de Christ, ne dez le ventre de leur
mere, n'en un mesme temps : mais comme il plaist à Dieu
de leur dispenser sa grace. Devant donc qu'ilz soient convertiz
à ce souverain pasteur, ilz errent comme les autres, et
sont dispersez en la dissipation, universelle de ce monde :
10 et ne different en rien des autres : sinon que Dieu par une
miséricorde singulière, les conserve, de peur qu'ilz ne trébuchent
en ruyne éternelle. Si nous regardons donc en eulx :
nous verrons la race d'Adam : laquelle ne peut sentir que
la perversité de son origine. De ce qu'ilz ne tombent point
is en impieté désespérée, cela ne se fait point par quelque bonté
naturelle : mais pource que l'œil du Seigneur veille sur
leur salut, et sa main est estendue pour les y conduyre.
Car ceux qui imaginent qu'ilz ont je ne scay quelle semence
d'eslection enracinée en leurs cœurs dez la nativité, et que
20 par cela ilz sont 'enclins tousjours à la crainte de Dieu, n'ont
nulle auctorité de l'Escriture pour prouver leur opinion :
et l'expérience mesme les redargue. Hz produisent bien
quelques exemples, pour prouver qu'aucuns des esleuz n'ont
point du tout esté sans religion, devant qu'estre droitement
as illuminez. Car ilz allèguent que Sainct Paul a esté irrépréhensible
en son pharisaïsme. Que Cornille le Centenier a Ad
esté agréable à Dieu par ses prières et oraisons. De Sainct
Paul, je leur concede ce qu'ilz disent. De Cornille je dy qu'ilz
s'abusent. Car ilestoit desja lors régénéré et illuminé, tellement
30 qu'il ne luy deffailloit plus rien, sinon une plus claire revelation
de l'Evangile. Mais encores qu'est-ce qu'ilz obtiendront en la
fin ; quand nous leur accorderons d'une douzaine ; concluerontilz
que tous les esleuz de Dieu ont eu un mesme esprit ? C'est
autant comfne, si quelqu'un ayant demonstré l'intégrité de
35 Socrates, [Â]ristides, Xenocrates, Scipion, Curius, Camillus,
et autres Payens, vouloient inférer, par cela, que tous ceux qui
ont esté aveuglez en ydolatrie, ont esté de saincte vie et entière.
Oultre ce que leur argument ne vault rien : l'Escriture leur
contredit apertement en plusieurs lieux. Car Testât que descrit