RELIGION CHRESTIENiNE - Archive ouverte UNIGE

DE LA VIE CHRESTIENNE. 803
que celle qu'i leura donnée : mais il luy piaist de monstrer ainsi
et testifier les graces qu'il a mises en ses fidèles : à ce qu'elles
ne demeurent point oysives, et cachées au dedens. Parquoy, quand
il met en avant la vertu de patience, qu'il a donnée à ses servi-
5 teurs : il est diet qu'il esprouve leur patience : dont viennent ces
locutions : Qu'il a tenté Abraham, et a congneu sa pieté : d'autant
qu'il n'a point refusé d'immoler son filz, pour luy complaire.
Pourtant Sainct Pierre dit, que nostre Foy n'est pas moins
esprouvée par tribulation, que l'or est examiné en la fournaise.
10Or qui est-ce qui nyei-a cela estre expedient; qu'un don si 1 .Pier. I.
excellent ; lequel le Seigneur a faict à ses serviteurs ; soit appliqué
en usage.; à fin d'estre faict notoire et manifeste? Car
jamais on ne l'estimeroit autrement comme il appartient. Que
si le Seigneur ha juste raison de donner mattiere aux vertuz
la qu'il a mises en ses fidèles, pour les exerciter : à ce qu'elles
ne demeurent point en cachette, et mesmesà c qu'elles ne
soient point inutilles : nous voyons que ce n'est pas sans
cause qu'il envoyé afflictions, sans lesquelles leur patience seroit
nulle. Je dy aussi, qu'il les instruict, par ce moyen, à patience :
20 veu qu'ilz apprennent par cela de ne vivre pas à leur souhait
mais à son plaisir. Certes si toutes choses leur advenoient comme
ilz demandent : ilz ne scauroient que c'est de suyvre Dieu. Or
Seneque Philosophe Payen dit, que ce a esté un ancien proverbe,
quand on vouloit exhorter quelqu'un à endurer patiem-
25 ment adversitez, de user de ce mot : Il fault suivre Dieu. Enquoy
ilz signifioient, que lors finalement l'homme se submet au joug
du Seigneur, quand il se laisse chastier : et preste voluntairement
la main et le doz à ses verges. Or si c'est chose raisonnable, que
nous nous rendions en toutes manières obeissans au Père celeste :
30 il n'est pas à refuser, qu'il nous acoustume en toute manière qu'il
est possible à ceste obéissance. Toutesfois nous ne voyons pas encore
combien icelle est requise : sinon que nous reputions, quelle
est l'intempérance de nostrechair, à rejetter le joug du Seigneur,
incontinent qu'elle est un peu délicatement traictée. Car il enad-
35 vient autant que aux chevaux rebelles, lesquelz, après avoir esté
quelque temps en Testable oysifz et bien repeuz, ne se peuvent
après dompter et ne congnoissent leurmaistre, auquel ilz selaissoient
auparavant renger. Brief ce que le Seigneur se plaint Deut. 33.
estre avenu au peuple d'Israël, se voit coustumierement en tous