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Les Médecins au Cambodge - Odris

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chargeait d'incarner à elle seule la monarchie providentielle. De nombreux proverbes<br />

populaires ironisent ainsi sur l'appétit de gain du fonctionnaire1 – et en particulier du<br />

juge – dont il est conseillé de s'assurer la collaboration de façon plus subtantielle que<br />

par la simple invocation de la loi ou du droit. Toutefois, le fonctionnaire est respecté et<br />

l'on reconnaît que la “naissance” (<strong>au</strong> double sens de l'origine sociale et du karma) ou le<br />

savoir acquis à l'école constituent des facteurs légitimes d'appartenance à cette catégorie<br />

sociale enviée. Or, sous le régime du général Lon Nol, on commence à évoquer<br />

l'incompétence de certains et leur appétit sans limite de lucre. Cette critique s'étend <strong>au</strong><br />

corps des médecins eux-mêmes, de même qu'<strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres catégories de personnel<br />

médical.<br />

Surcharge de travail dans les services saturés par les blessés de guerre et<br />

les réfugiés loqueteux fuyant les combats ; moyens thérapeutiques limités ; salaires<br />

stagnants malgré l'inflation galopante et l'aide américaine massive ; durcissement des<br />

relations patients-médecins mais <strong>au</strong>ssi risque de mobilisation pour défendre un régime<br />

de moins en moins apprécié et qui n'encourage guère le patriotisme : face à l'extrême<br />

dégradation des conditions d'exercice de la profession médicale, les médecins<br />

développent deux types de réponses. La première est le séjour d'étude hors du pays,<br />

grâce <strong>au</strong>x bourses gouvernementales ou étrangères. La seconde est le repli sur la<br />

pratique privée. Car, même si la clientèle potentielle des cabinets de ville se restreint à<br />

mesure que les catégories sociales les plus touchées par l'économie de guerre s'en<br />

trouvent exclues, les cabinets et les cliniques privés restent pour la plupart de<br />

florissantes affaires, fréquentés par tous ceux qui tirent directement ou indirectement<br />

leur revenu de l'aide américaine ou qui arrivent à “se débrouiller”.<br />

Selon un médecin <strong>au</strong>jourd'hui réfugié en France, c'est finalement le terme<br />

de “dérapage” qui qualifie le mieux cette époque difficile :<br />

1 Par exemple, “La douane dort, tu l'éveilles pour lui donner ton riz” qui a un sens proche de l'expression<br />

française “chercher un bâton pour se faire battre” ; “Si tu nais ver, tu n'as pas la répulsion de la terre, si tu<br />

es fonctionnaire, celle de l'argent, si tu es sculpteur (sur bois), celle du bois” ; “Ne te dispute pas avec les<br />

femmes, ne commerce pas avec les fonctionnaires, n'aie pas de procès avec les Chinois” ; “Ta poule, il la<br />

prend toujours, mais il te coupe la gorge quand même” ; “Quand tu poses ta nasse, fais un entourage<br />

d'épines [à son entrée], si tu veux rester dans le pays, offre de la viande <strong>au</strong> tigre” (quand tu fais un cade<strong>au</strong><br />

à un fonctionnaire pour obtenir sa protection, fais en sorte que personne le sache). Voir Dr PANNETIER,<br />

“Sentences et proverbes cambodgiens”, Bulletin de l'Ecole Française d'Extr.-Orient, 1915, 15, 3, pp. 47-<br />

71. La plupart de ces proverbes est encore en usage <strong>au</strong>jourd'hui.

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