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Les Médecins au Cambodge - Odris

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On est loin, chez M. Kaev, de la file d'attente observée chez le kru<br />

“moderniste”. De temps en temps passent des patients dont la plupart est du voisinage.<br />

Introduits dans la pièce centrale, ils s'installent sur le “lit” (krè) avec le kru, comme le<br />

feraient des visiteurs amic<strong>au</strong>x. Signe de respect toutefois, les hommes comme les<br />

femmes se tiennent face <strong>au</strong> kru les jambes repliées sur le côté1 et certains (surtout les<br />

plus âgés, plus respectueux des traditions que leurs cadets) joignent les mains pour<br />

s'adresser <strong>au</strong> kru. L'entretien est assez bref et le médecin se contente de s'enquérir du<br />

mal du patient, de telle sorte que ce dernier pose souvent lui-même un diagnostic en<br />

nommant sa maladie.<br />

Le kru touche très peu son malade, effleurant parfois du bout des doigts<br />

le bras, le visage ou les jambes2. Tel jeune homme est venu pour une “syphilis” (svay),<br />

affection répandue avec d'<strong>au</strong>tres maladies sexuellement transmissibles ; telle femme<br />

d'une quarantaine d'années pour un œdème à la p<strong>au</strong>pière, telle <strong>au</strong>tre pour un abcès à la<br />

jambe, une bronchite qui ne guérit pas (roleak tong souet). Si le patient émet le plus<br />

souvent un diagnostic, c'est en revanche le kru qui choisit seul le traitement.<br />

A cet égard, la consultation est identique chez les médecins, les kru<br />

“modernistes” et les kru “traditionnels” observés : il existe un domaine commun de<br />

connaissance entre le thérapeute et son patient concernant l'identification de la maladie3. Si le thérapeute n'a pas l'exclusivité de la pratique diagnostique, le traitement, en<br />

revanche, relève de sa seule compétence et, dans les consultations observées, nous<br />

n'avons jamais entendu demander ou formuler une explication sur le remède administré,<br />

les patients se contentant de le consommer sans faire preuve de curiosité4 – qu'il s'agisse<br />

d'un paquet de plantes fournies par un kru ou des comprimés donnés par le médecin.<br />

1 Cette posture est habituelle <strong>au</strong>x femmes en toute circonstance publique. Elle ne l'est pas chez les<br />

hommes (surtout les jeunes) s<strong>au</strong>f en présence d'un bonze.<br />

2 Pierre HUARD (“La médecine khmère populaire”, Concours médical, mai 1963, 85, 20, pp. 3269-3275<br />

et 21, pp. 3437-3444) fait état de méthodes de diagnostic plus complètes (goût de l'urine, pincement des<br />

doigts) que nous n'avons pas observées.<br />

3 Voir Marie Alexandrine MARTIN (op. cit., pp. 150-151) sur ce point concernant les kru paysans.<br />

4 Un pharmacien installé dans un quartier pluriethnique de Phnom Penh nous expliquait que cette absence<br />

de curiosité relative <strong>au</strong>x médicaments distinguait ses clients khmers de ses clients d'origine vietnamienne.<br />

Ces derniers, en effet, mémorisaient les noms des médicaments, comparaient différents produits et<br />

exigeaient telle ou telle marque, à l'inverse de ses patients khmers qui lui laissaient toute latitude dans le<br />

choix des médicaments qu'ils désiraient acheter.

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