29.06.2013 Views

Les Médecins au Cambodge - Odris

Les Médecins au Cambodge - Odris

Les Médecins au Cambodge - Odris

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

231<br />

devient insuffisante et certains perdent de “cinq à dix kilos”. D'<strong>au</strong>tres stages agricoles<br />

suivent celui de Chamcar Dong.<br />

Ces mouvements incessants contribuent, comme chez les citadins<br />

déportés, à isoler les individus car les groupes de travail n'ont jamais la même<br />

composition sans que l'on puisse comprendre la raison des choix. Certains ne quittent<br />

jamais le camp alors que d'<strong>au</strong>tres, <strong>au</strong> contraire, se déplacent en permanence. Lan Kim<br />

Chhean passe ainsi un ou deux mois à Takhm<strong>au</strong> (à une dizaine de kilomètres <strong>au</strong> sud de<br />

Phnom Penh) ; puis il est appelé à Neak Leung, où il f<strong>au</strong>t construire des digues et<br />

déraciner les arbres à la main (le travail est “trop lourd humainement”). Il change<br />

ensuite de camp de base pour Boeng Trabek (banlieue de Phnom Penh) avant de repartir<br />

défricher la forêt à Stung Trong, “une ancienne base de Pot Pol et Khieu Samphan<br />

pendant la période de résistance”, dit Lan Kim Chhean avec une nuance de respect dans<br />

la voix1. <strong>Les</strong> conditions de vie à Stung Trong sont heureusement un peu moins pénibles<br />

car il est possible de planter quelques patates, des cannes à sucre, des arachides et de<br />

chasser de temps à <strong>au</strong>tre. C'est <strong>au</strong> cours de ce séjour que des intellectuels osent critiquer<br />

ouvertement les conditions qui leur sont faites. Ils sont arrêtés et emmenés.<br />

Mais les actes de rébellion sont rares. Très vite, Lan Kim Chhean<br />

comprend que poser des questions est dangereux. Le mutisme qui l'avait tant frappé<br />

chez ses compagnons se généralise, de même que la suspicion, quand viendra la peur.<br />

D'ailleurs, avec le temps, “on ne veut plus rien savoir. On travaille et c'est tout. Tout le<br />

monde est apathique”. L'apathie est, pour Lan Kim Chhean, une caractéristique majeure<br />

des nouve<strong>au</strong>x Kampuchéens, qu'il attribue à deux c<strong>au</strong>ses : “Au début, quand on parlait,<br />

rien de ce qu'on disait n'était bien, ce n'était pas révolutionnaire. Tout le monde a fini<br />

par se taire”. Et puis, la “pression” continue entraîne, pense-t-il, des “troubles<br />

psychiques”.<br />

Malheureusement, le mutisme, la modestie, l'obéissance et les marques<br />

de bonne volonté sont des conditions nécessaires mais non suffisantes de survie.<br />

Comme ailleurs, des disparitions creusent les rangs des internés de Boeng Trabek. Ces<br />

purges ont plusieurs c<strong>au</strong>ses. Dans le groupe des diplomates, des fonctionnaires et des<br />

militaires, presque tous les anciens militaires sont liquidés. Parmi les intellectuels<br />

membres de l'ancien Front Uni National du Kampuchea, ce sont en premier lieu les<br />

1 La base se situe dans la Région 41 de la Zone Centre (province de Kompong Cham).

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!