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Les Médecins au Cambodge - Odris

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L'ambiguité est manipulée et interprétée de façon différente suivant les<br />

moments et les lieux mais le “peuple nouve<strong>au</strong>” reste un bouc émissaire potentiel<br />

pendant toute la durée du régime. C'est dans cette optique, plutôt que dans la thèse d'une<br />

élimination systématique des médecins déportés, qu'il f<strong>au</strong>t envisager la condition qui<br />

leur est faite sous le Kampuchea Démocratique. On la décrira brièvement à partir de<br />

l'histoire de l'un d'entre eux, en tenant compte des apports d'<strong>au</strong>tres témoignages.<br />

Le père du Dr Hing Kun Thuon est un paysan riche de la province de<br />

Kompong Cham, nommé chef de commune (mé khum) sous le Protectorat. C'est lui qui<br />

encourage son fils, né en 1928, à s'inscrire à l'Ecole des Officiers de Santé de Phnom<br />

Penh. Après ces études, la carrière de Hing Kun Thuon est celle d'un médecin de<br />

standing moyen, évoluant <strong>au</strong> gré des mutations en province, imposées ou proposées par<br />

le ministère de la Santé. En 1964, il est enfin nommé à Phnom Penh et en profite pour<br />

reprendre ses études et passer son doctorat. Le parcours professionnel de Hing Kun<br />

Thuon, contrairement à nombre de ses confrères exerçant sous le Sangkum, se présente<br />

plus comme celui d'un fonctionnaire que d'un entrepreneur. Il n'a pas ouvert de cabinet<br />

personnel, ne se sentant pas de “don” réel pour l'activité médicale libérale. Avec son<br />

épouse institutrice, ils se contentent de leurs salaires, modestes mais suffisants.<br />

Lorsque les combats se rapprochent de Phnom Penh en 1975, Hing Kun<br />

Thuon exerce à l'hôpital psychiatrique de Takhm<strong>au</strong>, la capitale provinciale de Kandal (à<br />

une vingtaine de kilomètres <strong>au</strong> sud de Phnom Penh). Comme be<strong>au</strong>coup d'habitants non<br />

politisés de la ville, il n'a pas de prévention particulière à l'égard des probables<br />

vainqueurs. Le gouvernement républicain l'a be<strong>au</strong>coup déçu et puis, dit-il, “je<br />

connaissais des gens de la Sûreté qui m'ont dit qu'il fallait fuir si les Khmers Rouges<br />

rentraient parce qu'on risquait la mort. Je ne les ai pas crus. [...] J'ai cru que c'était de la<br />

propagande de la C.I.A.”.<br />

C'est à Phnom Penh où il habite que le surprennent, le 17 avril 1975, les<br />

troupes révolutionnaires. Quand les jeunes soldats engagent l'évacuation de Phnom<br />

Penh en prétextant le risque des bombes américaines et en promettant un retour dans<br />

quelques jours, Hing Kun Thuon pense aller vers son hôpital de Takhm<strong>au</strong> mais il en est<br />

empêché : la sortie vers le sud-est est déjà saturée et il est poussé, avec des dizaines de

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