29.06.2013 Views

Les Médecins au Cambodge - Odris

Les Médecins au Cambodge - Odris

Les Médecins au Cambodge - Odris

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

226<br />

D'<strong>au</strong>tres établissements assurent un enseignement “sur le tas”. C'est le cas de l'hôpital<br />

Calmette où les coopérants chinois, avec l'aide d'une traductrice cambodgienne, offrent<br />

à la vingtaine de médecins révolutionnaires un enseignement théorique simple –<br />

“uniquement le nécessaire”, notamment en arithmétique, dit une femme qui y a<br />

participé – et, l'après-midi, un enseignement pratique <strong>au</strong>tour des cas des patients.<br />

Dans les premiers temps, jusqu'<strong>au</strong> durcissement de 1977, année<br />

correspondant à la prééminence intégrale du groupe de Pol Pot et de Ieng Sary, des<br />

biomédecins déportés dans les Zones sont également sollicités pour participer à la<br />

formation de la nouvelle élite médicale. Leur propre position demeure en ce cas très<br />

subalterne dans la hiérarchie médicale, mais ils bénéficient néanmoins d'avantages<br />

(nourriture, dispense des trav<strong>au</strong>x agricoles) qui, par rapport <strong>au</strong> nive<strong>au</strong> de vie habituel<br />

des déportés, ne sont pas négligeables. On en trouve des exemples dans la Zone Nord-<br />

Ouest (ville de Battambang, ville de Pursat), et dans la Zone Nord. Quant <strong>au</strong>x médecins<br />

traditionnels, ils ne se trouvent en <strong>au</strong>cun cas <strong>au</strong>tomatiquement inclus dans ce nouve<strong>au</strong><br />

système de santé et leur position sociale est finalement proche de celle des biomédecins,<br />

surtout lorsqu'ils sont eux-mêmes issus du “peuple du dix-sept avril” ou “peuple<br />

nouve<strong>au</strong>”. Tout comme ces derniers, il arrive que leur aide soit sollicitée avant qu'ils<br />

réintègrent la production agricole quand leur “mission” s'achève.<br />

Le personnel médical révolutionnaire n'est, bien sûr, pas à l'abri des<br />

purges et des éliminations personnelles. <strong>Les</strong> soignants liés <strong>au</strong>x cadres purgés sont euxmêmes<br />

écartés, voire tués, et remplacés par des recrues de plus en plus jeunes, de plus<br />

en plus “pures” et de moins en moins formées. Après 1977 surtout, il n'est pas rare de<br />

rencontrer, dans les infirmeries de villages, des enfants de dix ou douze ans armés de<br />

seringues sales, et injectant des liquides douteux à des patients terrifiés. Chacun préfère<br />

éviter de se rendre dans ces établissements mais l'exemption du travail et la<br />

reconnaissance du statut de malade nécessite, dans les coopératives les plus rigoristes,<br />

l'obligation de se rendre à l'infirmerie pour y recevoir une ration de riz, quand celle-ci<br />

n'est pas purement et simplement supprimée pour les improductifs1. 1 Henri LOCARD (op. cit., pp. 157-164) rapporte une dizaine de slogans illustrant le statut du malade. Ils<br />

mettent en avant la duplicité de ce dernier, sa paresse et ironisent sur son bon appétit. Des expériences<br />

“scientifiques” atroces menées sur des malades ou des prisonniers par des médecins révolutionnaires sont<br />

par ailleurs rapportées par des témoins.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!