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Les Médecins au Cambodge - Odris

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dans l'optique qui est la leur – celle d'un investissement restreint à l'hôpital. Un<br />

médecin ou un infirmier à la réputation de gentillesse se voit très vite assailli par des<br />

plaintes et des supplications diverses qui lui demandent des efforts, du temps, voire<br />

de l'argent1. Parfois <strong>au</strong>ssi, les limites diagnostiques et thérapeutiques de l'infirmerie<br />

ou du dispensaire sont tout bonnement atteintes sans que le personnel consultant<br />

puisse faire <strong>au</strong>tre chose que de conseiller <strong>au</strong> patient d'aller à l'hôpital provincial ou à<br />

Phnom Penh, même quand il est tristement évident que cela est impossible, comme<br />

dans le cas suivant :<br />

La patiente est une femme de quarante ans mais qui paraît be<strong>au</strong>coup<br />

plus âgée car son apparence physique est très détériorée. Elle a le crâne rasé<br />

[signe d'une proximité avec la religion bouddhique] et habite à la pagode<br />

[dernière ressource des femmes seules]. Vuth [médecin assistant] la connaît.<br />

Elle a une tumeur à l'ovaire et il lui a dit d'aller la faire extraire à Phnom<br />

Penh mais elle ne veut pas se faire opérer, dit-il. Pour le moment, il la soigne<br />

pour ses varices. La femme en détresse ânonne des phrases mécaniques à la<br />

cantonade : “je suis p<strong>au</strong>vre, je n'ai plus de famille”. Malay [infirmière] me<br />

regarde en souriant d'un air gêné. <strong>Les</strong> infirmières se sourient entre elles. Vuth,<br />

quant à lui, est imperturbable. Il lui répète, comme à chaque fois qu'elle vient<br />

consulter, d'aller à Phnom Penh pour sa tumeur et elle lui répond : “Bon, je<br />

vais essayer d'emprunter un vélo pour y aller”. Phnom Penh est à quarante<br />

kilomètres par un m<strong>au</strong>vais chemin. Il est évident qu'elle n'atteindra jamais la<br />

capitale par ce moyen. Vuth lui prescrit quelque chose pour ses jambes. Elle<br />

continue à se plaindre <strong>au</strong>x uns et <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres sans parvenir à attirer l'attention<br />

puis, de guerre lasse, finit pas sortir en traînant les pieds.” (notes<br />

d'observation, dispensaire de district, mai 1992)<br />

Dans les situations d'hospitalisation où, contrairement <strong>au</strong>x<br />

consultations externes, le contrôle humanitaire est plus lâche et la relation<br />

thérapeutique de plus longue durée, les patients disposent d'un éventail de plusieurs<br />

stratégies pour accéder <strong>au</strong>x soins et ne sont donc pas totalement démunis face à une<br />

<strong>au</strong>torité médicale dont on a montré l'assise fragile. L'objectif est de rentabiliser une<br />

hospitalisation dont on a montré, dans la partie précédente, qu'elle pouvait être très<br />

coûteuse. La première de ces techniques, même pour les plus p<strong>au</strong>vres, consiste en<br />

une négociation occulte <strong>au</strong>tour de la somme payée et permet <strong>au</strong> patient d'exprimer<br />

1 Deux médecins travaillant dans des hôpit<strong>au</strong>x centr<strong>au</strong>x où n'intervenaient pas d'O.N.G. nous ont dit<br />

payer eux-mêmes le petit matériel médical ou aider occasionnellement des patients p<strong>au</strong>vres venus à<br />

grands frais de province.

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