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Les Médecins au Cambodge - Odris

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médicale occidentale <strong>au</strong> milieu du XIXe siècle1. Assistera-t-on, <strong>au</strong> fur et à mesure de la<br />

libéralisation politique, à la naissance d'un mouvement de ce type ? Il est trop tôt pour<br />

répondre à cette question. L'évolution de la structuration de l'espace thérapeutique<br />

depuis le Protectorat a en tout cas abouti à renverser le rapport universel/particulier dans<br />

lequel se trouvaient médecins traditionnels (référence thérapeutique principale des<br />

Cambodgiens) et biomédecins (thérapeutes cantonnés à la capitale et dans lesquels on<br />

“croyait” médiocrement). L'observation historique des termes est instructive à cet<br />

égard : <strong>au</strong> terme d'une évolution que l'on peut suivre <strong>au</strong> fil des descriptions<br />

ethnographiques – dont la plus ancienne est vieille de cent ans2 – les bio-médecins sont<br />

<strong>au</strong>jourd'hui appelés kru pet (RKUeBTü u , du sanscrit 3 guru et vaidy(a) ; les “détenteurs d'un<br />

savoir” et “médecine”), terme <strong>au</strong>trefois réservé <strong>au</strong>x seuls médecins traditionnels. Ceuxci<br />

sont <strong>au</strong>jourd'hui les kru khmaer, les “détenteurs d'un savoir (médical) khmer” ou les<br />

“détenteurs khmers d'un savoir (médical)”. Par une ironie de l'évolution linguistique,<br />

inscrite dans l'histoire des rapports soci<strong>au</strong>x, les bio-médecins se trouvent ainsi disposer,<br />

dans la langue courante, du savoir ayurvédique traditionnel (vaidy(a)) !<br />

Quant <strong>au</strong>x kru qui avaient été employés dans les hôpit<strong>au</strong>x publics, ils ont<br />

rejoint leur village et repris leur activité habituelle <strong>au</strong>près des villageois, respectant en<br />

cela les appartenances sociales qu'avaient brouillés les essais socialistes en établissant<br />

une passerelle sociale entre la paysannerie et le fonctionnariat. En dépit des apparences,<br />

toutefois, le marché thérapeutique s'est trouvé durablement modifié par les dispositions<br />

gouvernementales, notamment parce qu'elles ont doté certains thérapeutes<br />

“traditionnels” d'une légitimité institutionnelle qu'ils ont conservée dans leur pratique<br />

privée, désormais commercialisée et proche, à certains égards, de celle des “vrais” kru<br />

du Protectorat et des biomédecins. Nous allons décrire, dans les pages qui suivent, la<br />

structure de l'offre thérapeutique cambodgienne en présentant quelques-unes des<br />

personnes observées <strong>au</strong> cours de notre enquête. <strong>Les</strong> différents thérapeutes – médecins,<br />

1 Cf Jacques LEONARD, La médecine entre les savoirs et les pouvoirs, Paris : Aubier-Montaigne, 1981,<br />

387 p.<br />

2 C'est celle d'Adhémar LECLERE,“La médecine chez les Cambodgiens”, Revue Scientifique, 1894,<br />

4ème série, II-23 :715-721.<br />

3 Dictionnaire cambodgien, Phnom Penh : Éd. de l'Institut bouddhique, 1967, p.146 et p. 774. <strong>Les</strong><br />

étymologies sanscrites, données en khmer par ce dictionnaire qui fait référence, sont translittérées selon la<br />

méthode de Saveros LEWITZ, “Note sur la translittération du cambodgien”, BEFEO, 1969, LV : 163-<br />

169, qui fait également référence.

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