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Les Médecins au Cambodge - Odris

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leur interaction1 – fût-ce de manière symbolique en fermant les yeux sur une<br />

consultation clandestine ou en adressant des reproches tièdes <strong>au</strong>x patients qui, ayant eu<br />

recours <strong>au</strong>x kru, ont tardé à venir les consulter. Cette séparation des lieux d'activités est<br />

tacitement respectée par les kru, comme l'explique un chef de service d'un hôpital de<br />

Phnom Penh : “<strong>Les</strong> médecins traditionnels viennent ici lorsqu'ils veulent amener les<br />

malades qu'ils ne peuvent pas traiter mais ils ne disent pas qu'ils sont médecins<br />

traditionnels. Ils le camouflent. Et si nous les connaissons, nous ne voulons pas le<br />

savoir, nous voulons seulement recevoir le malade. Mais quand même, nous lui faisons<br />

des reproches devant le médecin traditionnel”.<br />

Respectant les décisions officielles du Parti qui prône l'association de la<br />

“médecine traditionnelle” – conçue comme le versant local et botaniste de la<br />

biomédecine – <strong>au</strong> système de santé, les médecins manifestent de fait une certaine<br />

indifférence teintée de mépris à son égard. Ils apparaissent bien plus comme les héritiers<br />

du Sangkum sihanoukiste et de son rêve d'une médecine curative de pointe centrée sur<br />

l'hôpital, que comme les promoteurs d'une médecine socialiste proprement<br />

cambodgienne qui développerait ses propres ressources et privilégierait ce qu'on<br />

pourrait appeler une “union thérapeutique nationale”, transcendant les clivages de<br />

classes et de savoirs, entre médecins et thérapeutes traditionnels. Ce projet d'union, qu'il<br />

se présente dans sa version socialiste vietnamienne (l'abolition des classes et la<br />

valorisation du patrimoine national) ou dans sa version conçue par l'O.M.S. (la<br />

mobilisation des ressources disponibles en vue du développement) est perçu par les<br />

médecins comme menaçant leur position déjà faible dans l'espace thérapeutique.<br />

Toutefois, jusqu'à présent, cette conduite d'évitement à l'égard des<br />

thérapeutes traditionnels ne s'est pas transformée en campagnes publiques dirigées<br />

contre ces derniers, dans le but d'obtenir le monopole de la pratique médicale. Or, l'on<br />

sait que ces campagnes, lancées <strong>au</strong> nom de la qualité thérapeutique et de la lutte contre<br />

le charlatanisme, se trouvent <strong>au</strong> fondement de la construction historique de la profession<br />

1 Un seul interlocuteur, responsable d'un des hôpit<strong>au</strong>x les plus modernes de Phnom Penh, se montre plus<br />

virulent. “<strong>Les</strong> médecins traditionnels entrent à l'hôpital mais on les chasse”, dit-il. <strong>Les</strong> kru mon akom,<br />

spécialistes des récitations de formules de guérison, sont les moins bien accueillis : “J'ai été formé sept<br />

ans à la médecine, je ne peux pas accepter les kru mon akom à l'hôpital”.

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