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Les Médecins au Cambodge - Odris

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C'est dire la tension <strong>au</strong> sein de la Mission Conjointe, conduite par des<br />

représentants du C.I.C.R. et de l'U.N.I.C.E.F. qui finit par être <strong>au</strong>torisée à séjourner<br />

quarante-huit heures <strong>au</strong> <strong>Cambodge</strong> en juillet 1979. La visite est discrète car toute<br />

tentative de relation avec Phnom Penh est immédiatement suivie des protestations<br />

officielles de l'ambassadeur du Kampuchea Démocratique (le nom officiel des<br />

Khmers Rouges) à l'O.N.U. De la même façon, le gouvernement de Phnom Penh<br />

soumet tout accord avec la Mission Conjointe à la cessation de l'aide alimentaire à la<br />

frontière parce qu'elle favorise la résistance armée. L'analyse est exacte. Car si les<br />

organisations humanitaires n'ont pas toujours conscience, à cette époque, du rôle<br />

stratégique fondamental joué par leurs livraisons de riz et de médicaments1, tous les<br />

gouvernements qui, des Etats-Unis à la Chine – sans oublier la Thaïlande – sont<br />

hostiles à la République Populaire du Kampuchea (le gouvernement de Phnom<br />

Penh), mettent en avant des soucis humanitaires pour masquer des intérêts<br />

politiques2. Tenue de maintenir des relations avec des instances antagonistes, la<br />

Mission Conjointe sera l'objet de vives critiques dans le milieu des O.N.G. parce<br />

qu'elle limitera les quantités de riz fournies d'un côté de la frontière comme de<br />

l'<strong>au</strong>tre. C'est l'une des raisons pour lesquelles est mis en place un “pont terrien” à la<br />

frontière, où les Cambodgiens de l'intérieur du pays peuvent venir chercher du riz et<br />

du matériel agricole3. C'est dans ce contexte de forte instrumentalisation des ressources<br />

humanitaires et de lourde suspicion, que s'installent à Phnom Penh quelques<br />

associations triées sur le volet. Encore sont-elles cantonnées à la capitale, dans deux<br />

1 L'ignorance ou la répugnance des acteurs humanitaires à considérer leur aide comme stratégique et à<br />

analyser leur propre effet sur le conflit cambodgien est parfaitement décrit par deux d'entre eux dans<br />

Linda MASON and Roger BROWN, Rice, Rivalry, and Politics. Managing Cambodian Relief, Notre<br />

Dame, Indiana/London : Univ. of Notre Dame Press, 1983, 218 p.<br />

2 Par exemple, l'ambassadeur des Etats-Unis à Bangkok est à l'origine de la création du Kampuchea<br />

Emergency Group dont le but est à la fois politique et humanitaire puisqu'il se donne pour objectif<br />

d'aider les réfugiés à la frontière, de soutenir la résistance anti-vietnamienne et de faire campagne pour<br />

l'accueil de Cambodgiens <strong>au</strong>x Etats-Unis.<br />

3 Une analyse détaillée de l'impact de ce “pont terrien” sur les Cambodgiens de l'intérieur a été faite<br />

par Steve HEDER, From Pol Pot to Pen Sovan to the Villages, International Conference on Indochina<br />

and Problems of Security and Stability in Southeast Asia, Chulalongkorn University, Bangkok, 19-21<br />

June 1980, 79 p. dactyl. Il montre que le riz distribué à la frontière comme à l'intérieur du pays est<br />

arrivé dans la quantité moyenne de quelques kilos par mois <strong>au</strong>x paysans. Il a donc surtout permis de<br />

payer en nature les fonctionnaires de la nouvelle administration (dont les médecins) et d'éviter ainsi<br />

les ponctions sur la production paysanne.

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