29.06.2013 Views

Les Médecins au Cambodge - Odris

Les Médecins au Cambodge - Odris

Les Médecins au Cambodge - Odris

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

464<br />

De plus, le modèle occidental de la vocation médicale ne se retrouve pas chez les<br />

médecins cambodgiens qui présentent, lorsqu'on les interroge à ce sujet, des raisons<br />

d'entrée dans la profession irrecevables pour les humanitaires : être médecin permet,<br />

en premier lieu, de soigner sa propre famille et son rése<strong>au</strong> social personnel – cadre<br />

assez étendu où s'exerce le “bénévolat” médical cambodgien – et, en second lieu,<br />

d'être très correctement rémunéré.<br />

Il f<strong>au</strong>t toutefois citer le cas d'un médecin assistant, formé dans les<br />

camps de réfugiés, qui nous a donné une version originale de son attirance pour la<br />

médecine. Sous le régime khmer rouge, nous a-t-il raconté, alors qu'il avait fui et<br />

errait dans la jungle à la recherche de la frontière thaïlandaise, il était tombé<br />

gravement malade. Quelqu'un l'avait soigné et s<strong>au</strong>vé d'une mort certaine. “Je sais ce<br />

que c'est que d'avoir besoin d'<strong>au</strong>trui et je veux soigner à mon tour”, disait-il en<br />

substance. Son histoire ressemble en fait à celle des kru qui évoquent souvent à<br />

l'origine de leur entrée en apprentissage <strong>au</strong>près d'un maître, leur expérience<br />

personnelle de la maladie ainsi que le séjour initiatique dans la forêt vierge. Il f<strong>au</strong>t<br />

préciser que ce médecin tenait une position-charnière entre les deux milieux<br />

occidental et cambodgien, ce qui explique en partie sa participation <strong>au</strong>x valeurs de<br />

l'éthique biomédicale réinterprétées dans un cadre traditionnel.<br />

<strong>Les</strong> médecins cambodgiens ont eux-mêmes collectivement une image<br />

ternie de leur profession, du fait des critiques dont ils sont l'objet de la part de leurs<br />

collègues étrangers comme des patients eux-mêmes. “Ce n'est pas la peine de courir<br />

les hôpit<strong>au</strong>x [pour y faire des observations]. Vous pouvez écrire dans votre thèse que<br />

les médecins cambodgiens font payer les soins, maltraitent les malades et méprisent<br />

les patients p<strong>au</strong>vres. C'est tout”, nous dit, dans une conversation privée, une médecin<br />

désabusée sur le point de quitter son pays pour s'installer <strong>au</strong>x Etats-Unis (une fois la<br />

liberté de circuler rétablie, en 1993). Le tempérament national des Cambodgiens ou<br />

encore la déchirure c<strong>au</strong>sée par le régime khmer rouge sont présentés comme<br />

responsables d'une crise morale qui secouerait la médecine cambodgienne : “<strong>Les</strong><br />

Cambodgiens ont un caractère particulier vous savez, continue notre interlocutrice. Il<br />

n'y a que l'argent et les honneurs (bon sak, buNü s&kþi) qui comptent pour eux. Ils<br />

méprisent les p<strong>au</strong>vres. Ce n'était pas comme cela avant Pol Pot”. Ces <strong>au</strong>tocritiques

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!