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Les Médecins au Cambodge - Odris

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Un <strong>au</strong>tre médecin montre son album de photographies, prises <strong>au</strong>ssi dans<br />

la capitale russe, avec ses paysages enneigés et ses personnages emmitouflés. Etudiant à<br />

Hanoi avant de partir à Moscou, il se contente de faire comprendre à mi-mots qu'il n'a<br />

pas apprécié son séjour, sans s'appesantir sur ce sujet politiquement délicat. Nous n'en<br />

s<strong>au</strong>rons guère plus. A déf<strong>au</strong>t d'informations fournies par les protagonistes eux-mêmes,<br />

les confidences émanant de l'entourage vont dans le même sens. Chan Sitharo, étudiant<br />

célibataire dans une ville soviétique, s'y est fiancé à une jeune femme native et a vécu<br />

plusieurs années avec elle. Au moment de rentrer <strong>au</strong> pays néanmoins et contre le souhait<br />

de sa fiancée, il a préféré rompre, estimant qu'elle ne pourrait jamais s'adapter à la vie<br />

<strong>au</strong> <strong>Cambodge</strong> et qu'elle n'y serait pas heureuse. De fait et quelles qu'en soient les raisons<br />

– difficultés administratives, expériences peu encouragées par les deux gouvernements,<br />

par les familles ou <strong>au</strong>tres – nous n'avons pas rencontré de couples mixtes dont l'un des<br />

conjoints fût originaire d'un pays socialiste.<br />

Souvent déjà âgés d'une quarantaine d'années, mariés et pères ou mères<br />

de famille, n'envisageant pas alors une installation définitive dans leur pays d'accueil,<br />

les stagiaires vivent souvent entre compatriotes avec lesquels ils partagent des repas<br />

cambodgiens, sortent peu – préférant économiser un peu d'argent pour le retour chez<br />

eux – et n'ont pas, semble-t-il, de contacts suivis avec leurs collègues loc<strong>au</strong>x, <strong>au</strong>xquels<br />

certains reprochent à mi-mots – car la courtoisie cambodgienne tolère mal le fait de<br />

formuler ouvertement des critiques hors du cercle des intimes –et surtout <strong>au</strong>x<br />

Soviétiques, de ne pas, de leur côté, rechercher le contact. Au début des années 1990, en<br />

tout état de c<strong>au</strong>se, les expériences vécues dans les “pays frères” sont dévalorisées et l'on<br />

avoue avec de plus en plus de réticence que l'on parle russe ou vietnamien. L'heure est à<br />

l'apprentissage de l'anglais et du français.<br />

Construction de la personnalité culturelle cambodgienne qui ne valorise<br />

pas l'introspection et la mise en avant de l'individu dans ses expériences personnelles ?<br />

Repli sur soi protecteur, face <strong>au</strong>x fracas de l'histoire collective et individuelle, ballottant<br />

les personnes de ci, de là1 ? Sentiment qu'il est vain de vouloir réinvestir, dans la<br />

1 Une anecdote postérieure mais frappante illustre ce fait. Lorsque l'O.N.U., dont la présence a été<br />

massive et voyante pendant plus d'un an, s'est retirée fin 1993, les rues de Phnom Penh ont retrouvé en<br />

l'espace d'une nuit, un calme inhabituel. Le lendemain et les jours suivants, il n'était déjà plus question de<br />

l'O.N.U. dans les conversations courantes, comme si une nouvelle page d'histoire était définitivement<br />

tournée, tout comme les pages précédentes l'avaient été.

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