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Les Médecins au Cambodge - Odris

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On a refait à neuf le bloc opératoire. Il était nickel et les<br />

Cambodgiens étaient contents mais un jour, une fuite d'e<strong>au</strong> a commencé à<br />

ravager la peinture toute neuve. Personne ne m'a prévenu. La climatisation a<br />

été entamée, il y avait une coulée de moisissure sur le mur. Autre exemple, le<br />

lavabo était bouché dans cette même salle d'opération. Je n'ai même pas été<br />

averti. Il suffisait pourtant de dévisser le siphon et il y a quelqu'un pour ça à<br />

l'hôpital. Le personnel de l'hôpital veut du matériel mais quand il en obtient, il<br />

n'est pas soucieux de le conserver. Moi je les place en face de leur<br />

responsabilité. Un jour, personne ne voulait balayer la cour. Tout le monde me<br />

renvoyait à quelqu'un d'<strong>au</strong>tre… jusqu'<strong>au</strong> directeur. Je lui ai demandé en colère<br />

pourquoi ils agissaient ainsi : il a souri sans répondre. Pourtant, ajoute<br />

Christian, quand il s'agit de leurs intérêts privés, ils savent se débrouiller. Ce<br />

n'est pas un problème d'incompétence. (Conversation informelle, hôpital<br />

provincial aidé par une grande O.N.G.“professionnelle” française, février<br />

1991) 1<br />

L'hygiène est <strong>au</strong>ssi le domaine par excellence des conceptions<br />

ethnocentriques. “Ils ne savent pas nettoyer, de toute façon. Ils balaient seulement.<br />

Ils passent un peu d'e<strong>au</strong> par terre avec un chiffon qui fait toute une pièce sans qu'on<br />

le rince”, dit une médecin américaine.<br />

Or, sous la pression collective, ce sont souvent les infirmiers qui sont<br />

désignés pour le “sale boulot” (dirty work), comme Everett Hughes appelait le travail<br />

dévalorisé, associé <strong>au</strong>x déchets, que personne ne veut faire et les stratégies<br />

d'évitement qui lui sont associées2. En l'absence d'aides-soignants et de personnel<br />

d'entretien assigné à cette tâche, les Occident<strong>au</strong>x se tournent vers les infirmiers<br />

cambodgiens et tentent de les réconcilier avec un travail manuel censé ajouter à la<br />

dignité de la fonction (et non sa dégradation) car “le travail infirmier, c'est d'abord un<br />

travail manuel”, dit l'un d'entre eux. <strong>Les</strong> propos des humanitaires sont ainsi ponctués<br />

de références à cette morale du travail médical humanitaire incluant les efforts<br />

physiques, comme ces remarques de Suzanne et Alain, une infirmière et un médecin<br />

suisses évoquant la distribution des tâches dans “leur” dispensaire :<br />

1 Notons que ses difficultés professionnelles n'ont pas empêché ce logisticien de passer de nombreuses<br />

années <strong>au</strong> <strong>Cambodge</strong> en renouvelant systématiquement ses contrats de travail.<br />

2 Everett HUGHES, Men and their work, Westport : Greenwood Press, 1958, 184 p. On trouve une<br />

application de la notion de dirty work dans une étude consacrée <strong>au</strong>x aides-soignantes françaises.<br />

Anne-Marie ARBORIO, <strong>Les</strong> aides-soignantes à travers l'hôpital : trajectoires sociales et ajustements<br />

institutionnels, Thèse pour le Doctorat de Sociologie, EHESS, 1996, 500 p.

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