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Les Médecins au Cambodge - Odris

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Plus jeune que ses confrères1 – elle a trente-deux ans et cinq ans d'expérience<br />

médiumnique –, elle a un faible nive<strong>au</strong> d'instruction scolaire, n'ayant fréquenté que par<br />

intermittence l'école primaire, <strong>au</strong> rythme des trav<strong>au</strong>x de la rizière, jusqu'à douze ans,<br />

dans son village natal de la province de Kompong Thom. Sa région étant sous contrôle<br />

khmer rouge dès 1972, elle a dû quitter définitivement l'école pour participer <strong>au</strong>x tâches<br />

agricoles collectives. Puis Mme Penh Yon a vécu le régime du Kampuchea<br />

Démocratique non loin de son village d'origine. Elle y est retournée à la “Libération”,<br />

jusqu'en 1982, date à laquelle elle s'est mariée. Pour améliorer les très maigres revenus<br />

famili<strong>au</strong>x2, Mme Yon et son mari partent à Phnom Penh (avec l'assurance donnée par le<br />

chef de village – qu'ils ont aidé sous le régime khmer rouge – que leurs parts leur seront<br />

malgré tout attribuées). Le jeune couple réussit à s'installer dans un logement vacant,<br />

comme il en existe tant alors à Phnom Penh, et vit de petits trocs jusqu'à ce qu'il puisse<br />

ouvrir un café-vidéo, où les gens du quartier (derrière la pagode Moha Montrey) se<br />

réunissent le soir pour regarder un film.<br />

En 1987, Mme Penh Yon commence à souffrir de manière inexplicable.<br />

Elle est fatiguée, a des m<strong>au</strong>x de tête, se sent faible et tombe fréquemment malade sans<br />

que les médecins consultés arrivent à la soigner bien qu'elle se ruine, dit-elle, en<br />

honoraires et en achats de médicaments. Elle se rend alors chez un kru khmaer qui lui<br />

apprend qu'elle est “tenue par un esprit” (kru kan, RKUkan´ ) <strong>au</strong>quel elle doit élever un<br />

<strong>au</strong>tel pour retrouver la santé. Pour ce faire, elle demande les services d'un devin (kru<br />

tiey, RKUTay). Ce dernier l'aide à identifier un esprit qui ne lui veut pas vraiment de mal<br />

mais la perturbe sans cesse. Le devin établit qu'il s'agit d'un esprit féminin, appelé<br />

Amithida, un personnage du dixième Jâtaka, celui de Vessantara3. Mme Penh Yon<br />

guérit lorsqu'elle apprend à vivre, en quelque sorte, avec Amithida qui la protège et la<br />

possède à intervalles réguliers. Il ne s'agit cependant pas de possessions spontanées –<br />

1 Je n'ai jamais rencontré de femmes-kru “traditionnels”. En revanche, parmi les kru “modernistes”<br />

formés à l'Institut de Médecine Traditionnelle municipal de Phnom Penh, il se trouve des femmes, ce qui<br />

montre bien l'évolution par rapport à la tradition.<br />

2 L'agriculture est encore collectivisée à cette époque. <strong>Les</strong> parts de la récolte collective sont établies en<br />

fonction du nombre d'adultes et d'anim<strong>au</strong>x de trait. Or le père est décédé, les frères et sœurs encore petits<br />

et la famille ne possède ni buffle ni bœuf.<br />

3 <strong>Les</strong> Jâtaka (cheadok, en khmer) sont les récits des vies antérieures du Bouddha, incluses dans les Sûtrapitaka,<br />

un des livres du canon bouddhique. Certains de ces récits, en particulier celui de Vessantara, ont<br />

connu un grand succès <strong>au</strong> <strong>Cambodge</strong> où ils inspirent la littérature populaire orale.

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