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Les Médecins au Cambodge - Odris

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sûrement en branle. Après avoir été presque “bénévoles” 1 pendant une décennie,<br />

estiment les médecins, ils espèrent à présent bénéficier d'un juste rapport de leur<br />

investissement et pouvoir tirer un revenu de leur art qui, non seulement, soit suffisant<br />

pour vivre et économiser mais leur permette également – à une époque où les<br />

différenciations socio-économiques reproduisant l'ancienne hiérarchie sociale d'avant<br />

la guerre se font de plus en plus nettes – d'assumer leur statut social en ayant les<br />

dépenses appropriées. Un médecin khmer nous faisait ainsi remarquer en forme de<br />

boutade que les vrais humanitaires étaient les soignants cambodgiens qui travaillaient<br />

gratuitement mais ne l'avaient pas choisi. <strong>Les</strong> célibataires, en particulier, se préparent<br />

<strong>au</strong> très gros effort financier que représentent les tractations matrimoniales et, en<br />

particulier, les noces elles-mêmes, en économisant billet après billet, les sommes<br />

gagnées et en multipliant les occasions de gains. Celles-ci peuvent se présenter soit<br />

sous la forme de cade<strong>au</strong>x, spontanément offerts par les patients ou sollicités d'eux de<br />

manière plus ou moins pressante, soit sous la forme de rétributions indirectes<br />

fournies par les O.N.G. elles-mêmes (indemnités per diem reçues pour les stages,<br />

médicaments et petite fourniture médicale), soit, encore, par l'ouverture de cabinets<br />

ou la pratique de consultations privées pratiquées à l'hôpital ou à domicile.<br />

Soucieux de rattraper ainsi le temps perdu, les médecins acceptent<br />

donc de poursuive le quasi-“bénévolat” que représente leur service hospitalier, à<br />

condition que ce dernier ne soit pas trop prenant. Le pesant contrôle de l'Etat devient,<br />

<strong>au</strong> fil des années, moins bien toléré, <strong>au</strong> point que certains, parmi les plus jeunes et les<br />

plus rebelles, sont prêts à franchir le pas et à quitter le service public si les exigences<br />

se maintiennent, comme ce jeune chirurgien de garde d'un hôpital provincial qui<br />

manifeste son mécontentement en tardant à venir soigner un blessé :<br />

“- On est trop dépendant de la structure administrative. Comment voulez-vous<br />

que nous soyons dirigés par des gens qui ne sont pas médecins ? En ce moment<br />

par exemple, on veut m'envoyer suivre l'armée à K. 2 Je ne veux pas y aller. Il y<br />

a une grosse différence entre ce qu'on apprend à l'école et ce qu'on pratique<br />

1 Le terme est repris de la boutade d'un médecin cambodgien qui nous faisait remarquer que les vrais<br />

humanitaires étaient les médecins cambodgiens qui travaillaient gratuitement mais ne l'avaient pas<br />

choisi.<br />

2 <strong>Les</strong> médecins exerçant dans les provinces où existent des fronts militaires étaient réquisitionnés, <strong>au</strong><br />

moment de l'enquête pour accompagner l'armée dans sa lutte contre la guérilla khmère rouge.

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