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Les Médecins au Cambodge - Odris

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intellectuels rappelés1. <strong>Les</strong> nouve<strong>au</strong>x arrivants y retrouvent, parmi d'<strong>au</strong>tres, les<br />

volontaires du premier contingent parti de France quelques mois avant eux. <strong>Les</strong> internés<br />

sont silencieux et comme “indifférents”, s'étonne Lan Kim Chhean. “Tu verras”, lui estil<br />

répondu laconiquement quand il pose des questions à ce sujet.<br />

La rééducation politique commence. Khieu Samphan, le héros de son<br />

adolescence en personne, vient faire un exposé de politique générale, insistant sur la<br />

victoire du peuple du Kampuchea. Il ne fera qu'une seule apparition. Ensuite se<br />

succèdent les cours – dispensés par Phum, le commissaire politique dirigeant le centre –<br />

et les séances d'<strong>au</strong>to-critique qui ont pour but d'amener chacun à réfléchir à sa situation<br />

personnelle vis-à-vis de la révolution : il f<strong>au</strong>t alors prendre conscience de sa classe<br />

d'origine, faire la liste des déf<strong>au</strong>ts qu'il convient d'éliminer dans les attitudes, les actes,<br />

les paroles, les pensées et le vocabulaire. Aux <strong>au</strong>tocritiques succèdent les rédactions<br />

détaillées de curriculum vitae. Cet apprentissage dure un mois. C'est celui des premières<br />

déceptions car Lan Kim Chhean avait imaginé un <strong>Cambodge</strong> socialiste conservant “les<br />

traditions, la liberté de déplacement et de parole”. Il essaie de tenir bon en se disant :<br />

“Bon, on fait ça pendant un an <strong>au</strong> plus et ensuite, on me mettra dans un hôpital”. Mais<br />

rien ne change vraiment et le jeune médecin sombre dans le “désespoir”. Penser qu'il ne<br />

fera plus jamais de médecine, en particulier, est “sentimentalement terrible”.<br />

La routine change quelque peu avec les trav<strong>au</strong>x de la rizière à Chamcar<br />

Dong, proche de Phnom Penh. Ils sont menés sous la direction d'une dizaine de paysans,<br />

logés et nourris à l'écart. Ces activités agricoles font partie intégrante de la rééducation<br />

politique : après un mois, le petit groupe d'intellectuels retourne <strong>au</strong> camp pour analyser<br />

en commun son expérience agricole. Chacun doit alors montrer comment elle l'aide à<br />

éliminer ses déf<strong>au</strong>ts passés. Le changement opéré est <strong>au</strong>ssi physique car dès ce moment,<br />

la nourriture, faite de potage de riz (bobo, bbr) et de liseron d'e<strong>au</strong> (trokouen, RtkYn)<br />

1 Le témoignage de Lan Kim Chhean sur l'organisation générale de la vie des intellectuels rapatriés est<br />

conforme <strong>au</strong>x descriptions qu'en donnent Marie Alexandrine MARTIN (op. cit., pp. 191-196) et Michael<br />

VICKERY (op. cit., p. 161-165). Ce dernier, toutefois, fait de l'ex-Institut Khméro-Soviétique et de<br />

Boeung Trabek deux camps de rééducation politique réservés à des populations différentes de volontaires<br />

rapatriés, Boeung Trabek étant le lieu de rassemblement des intellectuels les plus avancés<br />

idéologiquement. Cela est infirmé par Marie Alexandrine Martin et Lan Kim Chhean. Voir <strong>au</strong>ssi<br />

l'<strong>au</strong>tobiographie de I Phandara, Retour à Phnom Penh, Paris : Métailié, 1982, 277 p.

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