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Les Médecins au Cambodge - Odris

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milliers d'<strong>au</strong>tres, vers la route numéro un, en direction du Viêt Nam. Hing Kun Thuon a<br />

entassé à la hâte quelques effets personnels dans sa petite voiture mais il reçoit l'ordre<br />

de l'abandonner et doit poursuivre à pied avec son épouse.<br />

Débute alors une période d'errance de plusieurs mois dans la province de<br />

Kandal, en quête d'une place d'accueil définitive dans un village. Mais, où qu'il<br />

s'installe, l'ordre arrive toujours de se préparer rapidement <strong>au</strong> départ, sans pouvoir<br />

bénéficier du fruit de son labeur quand la moisson arrive. <strong>Les</strong> paysans <strong>au</strong>xquels il a été<br />

demandé d'organiser la réception de ces citadins ne voient pas d'un bon oeil leur<br />

installation de fortune, alors que leurs propres capacités de subsistance ont diminué avec<br />

la guerre et la froideur des rapports est entretenue par le nouve<strong>au</strong> régime.<br />

Pendant cette première période d'organisation de l'évacuation, des listes<br />

sont dressées par les “combattants” (yothea) des forces armées qui encadrent les flux de<br />

déportés – parfois avec brutalité, bien que Hing Kun Thuon n'ait pas fait l'expérience<br />

personnelle de sévices à ce moment. Ils interrogent chacun sur son ancienne activité<br />

professionnelle en avertissant, se rappelle Hing Kun Thuon, qu'“il ne f<strong>au</strong>t pas mentir, on<br />

vous connaît”. Contrairement à d'<strong>au</strong>tres, qui préfèrent s'inventer une nouvelle<br />

biographie de petits employés p<strong>au</strong>vres à Phnom Penh – <strong>au</strong> risque d'être reconnus et<br />

dénoncés – Hing Kun Thuon juge inutile de cacher ses fonctions. Il a en effet travaillé<br />

dans plusieurs hôpit<strong>au</strong>x du pays : “J'étais connu par mes tournées, mes consultations.<br />

Pendant l'exode, j'avais rencontré be<strong>au</strong>coup de [anciens] malades de [l'hôpital de Phnom<br />

Penh] Preah Ket Mealea. Mais il ne s'est rien passé. Ils cherchaient les militaires de Lon<br />

Nol. Ils nous ont dit : 'on n'a pas besoin de vous, on a déjà notre personnel. On a besoin<br />

de main-d'œuvre pour le riz'”. Dans d'<strong>au</strong>tres endroits, <strong>au</strong> contraire, les combattants<br />

mentent en invoquant le besoin de personnel qualifié afin de pousser les déportés à<br />

décliner leur véritable identité.<br />

Au bout de quelques mois, Hing Kun Thuon et sa femme sont transportés<br />

en camion jusqu'à la petite gare de Smach, sur la voie ferrée reliant Phnom Penh à<br />

Battambang-ville. Là, ils doivent prendre un train de marchandise en direction de<br />

Pursat-ville. “A quelques kilomètres de Pursat, le train s'est arrêté en pleine nuit dans la<br />

rizière. Et c'est là que le destin...”. Comme be<strong>au</strong>coup de survivants, Hing Kun Thuon<br />

pense rétrospectivement que son destin personnel l'a dirigé vers le bon endroit. “Il y

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