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Les Médecins au Cambodge - Odris

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objectifs divergents des uns et des <strong>au</strong>tres car le personnel cambodgien considère les<br />

médicaments comme un complément de salaire en nature qu'il prélève selon une<br />

distribution hiérarchique souterraine incluant, selon leur statut, tous les membres de<br />

l'hôpital. Face à ce prélèvement, les membres des associations non-gouvernementales<br />

étrangères adoptent des attitudes variées en fonction de la politique générale de leur<br />

organisation et de la situation locale, chacun s'efforçant de ne jamais atteindre le<br />

point de rupture. Ainsi, les moments de tension, où les “prélèvements” sur le stock de<br />

médicaments sont lourds, alternent avec les périodes de détente et de satisfaction<br />

unanimement partagées où des salles de repos fusent les rires et les plaisanteries sur<br />

les uns et les <strong>au</strong>tres.<br />

Certains humanitaires adoptent une posture morale, parlent de “vol”,<br />

de “corruption” et exercent un contrôle maximal sur le circuit de distribution des<br />

médicaments, refusant, comme il est arrivé plusieurs fois à des organisations, de<br />

racheter sur le marché libre leurs propres médicaments qui y avaient été vendus. Ce<br />

contrôle se fait alors <strong>au</strong> détriment des <strong>au</strong>tres activités médicales. Une seconde<br />

réponse est la réduction des dons à l'hôpital. Le prélèvement, dans les situations que<br />

nous avons pu observer, se poursuivait et les patients étaient donc les premiers<br />

affectés car ils étaient priés par les médecins de se procurer les médicaments dans les<br />

pharmacies privées (que l'on trouve en abondance <strong>au</strong>tour des établissements de<br />

soins). Cela créait un climat de récriminations généralisées où les patients se<br />

montraient mécontents des soignants cambodgiens, ces derniers manifestant quant à<br />

eux de l'amertume envers les restrictions de l'O.N.G. C'est ce qu'exprime ce médecin<br />

dirigeant un hôpital provincial et engagé dans un tel conflit avec l'organisation nord-<br />

américaine qui intervient dans son établissement mais envisage son retrait<br />

progressif :<br />

“- Avant, elle [la responsable de l'O.N.G.] donnait be<strong>au</strong>coup. Maintenant, elle<br />

compte un dollar par patient et par jour et établit son budget d'aide sur cette<br />

base. Conséquences : on n'ose pas utiliser les médicaments chers car on<br />

dépasse le budget. Résultat : les patients doivent acheter eux-mêmes les<br />

médicaments quand ils ne sont pas disponibles.<br />

- Pourquoi l'[O.N.G.] a-t-elle changé sa politique d'aide ?<br />

- Parce qu'elle pensait que le personnel médical [cambodgien] prescrivait mal,<br />

qu'il prescrivait trop et prenait les médicaments. Ce qui est vrai car les<br />

salaires sont insuffisants. Moi, je ne gagne que 60 000 riels par mois, soit<br />

24 $.” (entretien en khmer avec le directeur, hôpital provincial, juillet 1994)

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