volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
645 SERMONS. 646<br />
pour se retirer de ceste commission. En quoy il<br />
monstre qu'il n'avoit point fait cest acte, d'une foie<br />
audace: et Dieu on cela declaire qu'il avoit réservé<br />
son serviteur, en luy faisant faire cest acte seul,<br />
pour l'employer puis après en choses plus grandes<br />
quand le temps seroit venu. Ainsi donc Dieu a<br />
peu donner pour un coup congé et liberté à son<br />
serviteur Àbram d'exercer puissance de glaive, combien<br />
qu'encores il ne fust pas mis en possession de<br />
la terre qu'il luy avoit promise. Et puis il y a à<br />
noter aussi, que Dieu donne souventesfois à ses<br />
serviteurs des mouvemens singuliers, lesquels ne se<br />
doyvent pas tirer en consequence. Le livre des<br />
luges nous est un beau miroor de cela: car autant<br />
que ce livre-la raconte de gens que Dieu a suscitez<br />
pour secourir son peuple, ce sont autant de tesmoignages<br />
pour nous monstrer qu'il n'y aura pas<br />
tousiours election notoire, quand quelqu'un sera<br />
armé du glaive et d'authorité. Gedeon a-il esté<br />
eleu? Il est [pag. 2l] bien certain que non. Samson<br />
non plus, ne tous les autres. Il n'en faut<br />
point reciter ne trois ne quatre: car comme i'ay<br />
dit, tous ceux dont il est là fait mention, ont esté<br />
choisis de Dieu, voire sans qu'ils y pensassent.<br />
Voila Gedeon qui doute et est en grande perplexité :<br />
il faut que de Dieu luy soit donné signe evident<br />
de vocation: il faut qu'il redouble quand il a obtenu<br />
ce qu'il demandoit: encore ne luy suffist il<br />
point. Nous voyons donc qu'il est plein de timidité:<br />
mais Dieu l'a choisi et ordonné à ce qu'il delivre<br />
son peuple, tellement qu'avec trois cens hommes<br />
il déconfit une grande bande, voire une grosse<br />
armée et puissante. Tout ce qui nous est là recité<br />
n'est pas pour en faire reigle generale. Ce seroit<br />
follement argué à nous, et ce seroit une badinerie<br />
quand nous dirions, Voila Dieu qui a racheté son<br />
Eglise de la tyrannie des meschans et incrédules,<br />
par le moyen de Iephthé, par le moyen de Samson,<br />
par le moyen de Gedeon, et de leurs semblables<br />
: ainsi en sera-il donques si nous voyons les<br />
enfans de Dieu estre iniustement opprimez, il nous<br />
sera licite de prendre les armes pour les secourir.<br />
Or cest argument-la est trop cornu. Car il faudrait<br />
que nous eussions l'esprit de ceux que nous prétendons,<br />
c'est à dire, que nous eussions certitude que Dieu<br />
nous appelle ainsi. Pourquoy? car, comme i'ay dit,<br />
ils ont eu des mouvements [pag. 22] particuliers,<br />
comme il y aura des privileges d'une loy commune.<br />
Ainsi en toutes choses il nous faut noter que quand<br />
Dieu besogne outre la reigle commune, qui est<br />
fondée en sa parole, c'est un privilege qu'il ne<br />
faut pas usurper. Car il est à un Roy ou à un<br />
conseil de donner certain privilege à quelqu'un, et<br />
la raison qu'il aura eue me sera incognue: si ie<br />
veux faire le semblable que celuy qui sera privilege,<br />
c'est comme m'attacher à celuy qui l'avoit<br />
voulu séparer du rang commun. Car il faut laisser<br />
l'authorité qu'ont les Rois et les magistratz de faire<br />
ce qu'ils cognoissent estre bon pour la police: et<br />
ceste discretion est raisonnable. Ainsi donc toutes<br />
fois et quantes que nous voyons que Dieu a voulu<br />
suvenir à son Eglise par oeux qu'il a ordonnez<br />
comme ministres de la redemption ot du salut qu'il<br />
avoit appresté, cognoissons que ce sont des actes<br />
singuliers, que la main de Dieu y a passé, et que<br />
ceux-là ont esté choisis de luy: qu'ils ont esté<br />
armés de son authorité et de sa puissance. Mais<br />
de dire que chacun s'avance à en faire autant, ce<br />
seroit, comme i'ay dit, une horrible confusion.<br />
Voila donc ce que nous avons à retenir quant à<br />
ce qui est ici recité d'Abram, c'est assavoir que<br />
Dieu desia luy a voulu donner quelque enseigne<br />
que ce n'estoit pas en vain qu'il l'avoit constitué<br />
seigneur et maistre du pais [pag. 23] de Canaan: et<br />
puis eu ceste victoire il luy a donné aussi quelque<br />
petit goust que ses successeurs devoyent entrer en<br />
la terre: et quelque force qui s'y opposast, qu'ils ne<br />
seroyent point empêchez d'avoir victoire par tout.<br />
Car combien que l'armée de ces Rois dont fut hier<br />
parlé, ne fust pas de trente ou de quarante mille<br />
hommes, tant y a qu'Abram avoit seulement ceux<br />
de sa maison, trois cens et dixhuit serviteurs. Or<br />
de dire qu'ils fussent aguerriz, ce seroit une mocquerie<br />
: d'autant qu'Abram n'avoit iamais esté en<br />
guerre, il ne savoit que c'estoit de manier espée<br />
ny bouclier. Touchant de ceux qui estoyent alliez<br />
avec luy, tant s'en faut que cela luy deust donner<br />
plus grande fiance, que c'estoit pour le faire craindre<br />
davantage. Car ils pouvoyent alléguer, Cest estrangier<br />
icy nous viendra ruiner tous: car voila quatre<br />
Rois qui ont esté victorieux, ils ont pillé Sodome<br />
et Gomorrhe et les villes. voisines, et nous viendrons<br />
nous ruer sur eux? c'est comme si nous voulions<br />
périr à nostre escient. Abram donc se voyant<br />
comme destitué, devoit quant à l'opinion commune<br />
plustost se tenir quoy. Et de prime face c'estoit<br />
une grande folie à luy, d'armer trois cens dixhuit<br />
serviteurs : et luy qui estoit un povre vieillard,<br />
faire office de capitaine: luy qui iamais n'avoit seu<br />
que c'estoit de guerre ny de bataille, comme nous<br />
avons dit, et ne l'avoit voulu [pag. 24] savoir, et<br />
cependant qu'il se iecte à l'abandon. Mais tant<br />
plus devons nous observer ce que i'ay touché, c'est<br />
assavoir que Dieu luy a voulu monstrer par cela,<br />
quand il voudroit mettre en iouissance de la terre<br />
ses successeurs, qu'il n'y avoit nulle difficulté, puis<br />
qu'il luy donnoit une victoire si notable: ce qu'on<br />
n'eust iamais creu, quand on en eust voulu iuger<br />
selon le sens humain. Voila donc en somme ce<br />
que nous avons à retenir quant à ce point, où il<br />
dit qu'Abram a armé ses serviteurs. Nous voyons<br />
comme Dieu luy a donné prudence, encores qu'il<br />
41*