volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
745 FERMONS. 746<br />
comparaison des changemens ot revolutions où<br />
s'estoit trouvé Abraham, et de l'arrest qu'il avoit<br />
eu sa foy, de la constance et fermeté de ne point<br />
varier, quoyque ce fust. Voila donc Abraham qui<br />
a esté pourmené de costé et d'autre: il a changé<br />
d'habitation, mesmes il a esté poussé comme la<br />
paille au vent. Tant y a neantmoins, qu'il a cognu<br />
qu'il falloit qu'il demourast ferme en Dieu, et que<br />
la foy fust tellement fondée, que rien ne l'esbranlast,<br />
et qu'il n'y eust point de variété quant à sa<br />
personne. Voila donc comme Abraham a tousiours<br />
suivi le train auquel Dieu l'a voit introduit. Et<br />
ainsi il adore le Dieu éternel, le Dieu du siècle,<br />
combien qu'il seinblast que Dieu se [pag. 224] iouast<br />
de luy comme d'une pellote, le chassant çà et là.<br />
Or il est dit aussi qu'il habita en ce pays des<br />
Philistins par longue espace de temps. Mais le mot<br />
dont use Moyse signifie habiter comme estrangier.<br />
Et ceci est encores bien à noter. Car combien qu'il<br />
eut permission d'habiter-là, qu'il y fust paisible, et<br />
qu'on ne luy fit plus les extorsions et violences<br />
qu'il avoit souffertes : toutesfois il cognoit qu'il n'est<br />
pas encores possesseur de ceste terre! il est vray<br />
qu'elle luy estoit donnée avant mesmes qu'il y<br />
entrast, et Dieu avoit ratifié ce benefice-la plusieurs<br />
fois. Tant y a qu'il luy a esté dit: Ta semence<br />
jusqu'à quatre cens ans sera estrangiere en une<br />
autre terre. Il faut donc qu'Abraham pratique<br />
tousiours ceste doctrine, c'est assavoir, d'avoir repos,<br />
neantmoins qu'il est là comme estrangier par emprunt,<br />
et qu'il faut qu'il ait tousiours un pié levé.<br />
Brief, qu'il soit comme un oiseau sur la branche<br />
ainsi qu'on dit. Et mesmes voila pourquoy il a<br />
fait hommage au roy de Gerar. Car il ne quitte<br />
pas la donnation qui luy avoit esté faite de Dieu:<br />
mais pource que le temps n'estoit pas encores venu<br />
d'en iouir et d'entrer en possession: voila pourquoy<br />
il se contente d'estre estrangier. Et voila pourquoy<br />
aussi nous verrons cy après, qu'il achètera le<br />
sepulchre de sa femme: voire d'autant qu'il n'estoit<br />
pas encores [pag. 225] possesseur d'un pié de terre<br />
et ne laissoit pas neantmoins par foy d'avoir receu<br />
ce qui luy avoit esté donné. Ainsi nous voyons<br />
que son espérance s'est estendue outre la vie présente.<br />
Et cependant nous voyons que ce n'est point<br />
sans cause qu'il est dit au Fseaume cent nonante,<br />
que Dieu a esté le pavillon d'aage en aage à ceux<br />
qui se sont fiez en luy. Car Abraham estoit exposé<br />
et au vent, et à la pluye, et à tous orages,<br />
quand il habitoit entre gens barbares, pleins de<br />
cruauté : et toutesfois Dieu luy a fait ombrage, voire<br />
mais çà esté d'autant qu'il a mieux aimé quitter la<br />
terre et eslever son coeur en haut, que de cercher<br />
des moyens pour acquérir des fonds et des heritages.<br />
Il a donc tellement passé par ce monde, qu'il ne<br />
s'y est point amusé. Et aussi finalement Dieu a<br />
monstre l'effet et l'exécution de ceste promesse, non<br />
pas qu'il en ait rien veu sa vie durant : mais, comme<br />
nous avons dit, son espérance s'est estendue plus<br />
loin: et par consequent nous pouvons dire avec<br />
l'Apostre, qu'il n'a point fait son nid en ce monde,<br />
et qu'il n'y a pas eu son but. Car il pouvoit retourner<br />
au pays d'où il estoit sorti, au pays de sa<br />
naissance, assavoir, en Chaldee: mais il s'est retenu<br />
là où il n'avoit nulle possession, là où il n'avoit ni<br />
parens, ni amis. Ainsi donc nous voyons qu'il a<br />
regardé plus haut qu'au monde. Or si cela a<br />
[pag. 226] esté en luy du temps qu'il n'y avoit pas<br />
une doctrine si claire à beaucoup près comme nous<br />
l'avons auiourd'huy: quelle excuse y aura-il, quand<br />
nostre Seigneur Iesus Christ est apparu une fois,<br />
qu'il a conversé au monde, et puis est entré au<br />
royaume celeste, et qu'il nous y a ouvert la porte,<br />
et que par son Evangile incessamment il nous solicite<br />
d'aspirer là haut? Si nous sommes, di-ie, tousiours<br />
enveloppez en ces choses corruptibles, ne fautil<br />
pas que ceste ingratitude-la soit par trop vilainie?<br />
Ainsi donc, apprenons d'estre tellement logez en ce j<br />
monde, que nous y iouissions des biens que Dieu j<br />
nous y fait: mais cependant que nous protestions j<br />
avec sainct Paul, que nostre demeure est au ciel !<br />
vrayement, et que desia nous en sommes citoyens, \<br />
encores que ce ne soit que par espérance. Et de<br />
fait, il nous doit bien souvenir de ce qui est<br />
dit en l'autre passage: que cependant que nous<br />
sommes logez en ces corps mortels, il faut que<br />
nous soyons comme eslongnez de Dieu. Et aussi<br />
nous voyons bien que nous ne iouissons pas de sa<br />
presence : veu que nostre vie spirituelle est cachée. Car<br />
autrement nous en iouirions par effect, et n'y auroit<br />
plus de foy: car ce qu'on espère (comme dit sainct<br />
Paul) n'est point manifeste. Ainsi donc apprenons,<br />
puis que Dieu par tous moyens tasche de nous<br />
attirer à soy [pag. 227], de n'estre point si lasches<br />
que chacun de nous se plonge en terre, et que<br />
nous soyons comme fourrez au bourbier et en la<br />
fange: mais que nous marchions tousiours, cognoissans<br />
que ceste vie est un chemin pour aspirer plus<br />
haut. Or c'est beaucoup que tout cela est recité<br />
d'Abraham. Voila des vertus grandes et bien<br />
louables, que quand Dieu luy donne repos, il ne<br />
s'y endort point, quand il a permission et licence<br />
du roy d'estre paisible en son pavillon, que toutesfois<br />
il se cognoit- estrangier quand on luy est ami,<br />
et que chacun est prest de s'accorder avec luy,<br />
qu'il se sépare et aime mieux esmouvoir et enflammer<br />
la rage de tous ses voisins alencontre de luy, que<br />
de se conformer à leurs superstitions et idolatries,<br />
mais qu'il veut faire hommage au Dieu vivant.<br />
En tout cela (comme i'y dit) il y a des vertus<br />
bien excellentes: mais Moyse adiouste un autre<br />
sacrifice qui est bien plus grand, et plus exquis: