volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
665 SERMONS. 666<br />
qu'il n'est rien de soy et ne peut rien: mais d'autant<br />
que Dieu l'appelle à son service, qu'il l'invoque<br />
aussi, et reclame son nom sur Abram. Nous voyons<br />
donc que Iesus Christ a l'office de bénir, c'est à<br />
dire, de nous rendre agréables à Dieu, d'effacer tout<br />
le mal qui est en nous. Mais cela nous doit encores<br />
conduire plus [pag. 62] haut, c'est à la charité<br />
inestimable de Dieu le Père, qui n'a point espargné<br />
son Fils unique, mais l'a livré à la mort pour nous.<br />
Quand la cause principale de nostre salut nous est<br />
monstrée, l'Escriture nous met en avant cest amour<br />
de Dieu: Dieu donc a tant aimé le monde, qu'il<br />
n'a point espargné son Fils unique. Yoila comme<br />
nous sommes bénits par la vertu sacerdotale du<br />
Fils de Dieu. Mais le Père cependant nous appelle<br />
à soy, afin que nous luy facions hommage et recognoissance<br />
d'un tel bien qu'il nous a voulu communiquer,<br />
voire par ceste source. En somme, nous<br />
voyons ici que tout le bien qu'il nous faut désirer<br />
et espérer, procède de Dieu seul, et que c'est en<br />
luy qu'il nous le faut chercher. Chacun souhaitera<br />
d'estre à son aise, et d'avoir tout ce qu'il pense<br />
luy estre propre. Voila un souhait que feront les<br />
bons et les mauvais communément. Mais il y en<br />
a bien peu qui cherchent leur bien en Dieu. Ils<br />
veulent estre tous bien-heureux: mais ils mesprisent<br />
celuy dont tout bien procède. Et c'est autant<br />
comme si un homme avoit bien soif, et qu'il languit<br />
inesmes, et qu'il n'en peut plus, et qu'on luy dit,<br />
Yoila la fontaine, et cependant qu'il ne daignast<br />
boire : il y aura et eau et vin, et il ne voudra point<br />
approcher pour en prendre. Ainsi en est-il de ceux<br />
qui désirent et appetent savoir tout ce qui leur<br />
vient, en fantasie, et ce [pag. 63] qu'ils cognoissent<br />
leur estre requis, et cependant ils mesprisent Dieu,<br />
et ne veulent point approcher de luy. Apprenons<br />
donc, toutes fois et quantes que nous avons à désirer<br />
ou pour nos âmes, ou pour nos corps ce qui est<br />
souhaitable, de commencer par ce bout, que Dieu<br />
nous soit propice, et qu'il nous reçoyve tellement à<br />
sa merci, que nous puissions avoir approche et<br />
entrée à luy, et que nous puissions nous rassasier<br />
de ses biens entant qu'il nous sera utile pour nostre<br />
salut. Yoila donc ce que nous avons à observer<br />
en ce qui est dit: qu'Abram soit bénit, voire au<br />
Dieu Souverain. Apres cela Melchisedec adioute<br />
benediction, de ce que Dieu avoit donné victoire à<br />
nostre père Abram: Et bénit soit, dit-il, le Dieu<br />
vivant qui a livré tes ennemis en ta main. Par ceci<br />
nous sommes admonestez de conioindre tousiours<br />
les louanges de Dieu avec les requestes et supplications<br />
que nous luy ferons, comme aussi sainct<br />
Paul nous le demonstre aux Philippiens, quand il<br />
dit que nos désirs soyent cognus de Dieu, c'est à<br />
dire que vous ne rongez pas, dit-il, vostre frain<br />
comme font les incrédules quand ils voyent, Cela<br />
me seroit bon et propre. Ils se plaignent. Mais<br />
quoy? Ils ont leurs coeurs enserrez et ne se présentent<br />
point à Dieu pour luy demander ce qu'il<br />
leur faut. Pource ÜApostre dit [pag. 64] en ce<br />
lieu-la, que vos requestes, vos pensées et désirs<br />
soyent espandus devant Dieu: c'est à dire, quand<br />
vous vous cognoissez desnuez de ceci et de cela,<br />
cherchez le bien où il est, et là vous le pourrez<br />
trouver, c'est assavoir en Dieu 1 : que vos prières,<br />
supplications et actions de graces monstrent que<br />
vous estes devant Dieu: et quand vous l'aurez prié,<br />
comme i'ay dit, que les louanges soyent conioinctes<br />
avec les requestes. Car si nous le prions en murmurant,<br />
et avec quelque regret et mescontenteinent,<br />
c'est blasphemer son sainct nom. Or est-il ainsi<br />
que la prière luy doit estre un sacrifice de bonne<br />
odeur: et nous venons luy faire iniure et outrage,<br />
quand nous le voulons submettre et assuiettir à<br />
nos appétits, ne nous contentans point de sa grace.<br />
Yoila donc pourquoy nous devons bien estre admonestez,<br />
toutes fois et quantes que nous prions<br />
Dieu, de luy rendre aussi action de graces, de nous<br />
remettre du tout à sa volonté, et luy faire recognoissance<br />
de ses benefices: comme aussi au<br />
Pseaume 50 il est dit: Invoque moy au iour de ta<br />
nécessité: ie t'exauceray, et tu m'en rendras louange.<br />
Yoila comme en fait ici Melchisedec quant à Abram.<br />
Pour mieux comprendre ceci et familièrement,<br />
notons que nos prières doyvent regarder le temps<br />
passé et le temps advenir: le temps passé pour<br />
faire recognoissance à Dieu des biens que nous<br />
[pag. 65] avons desia receus de luy: et le temps<br />
advenir, afin de luy demander qu'il continue et<br />
persevere iusques en la fin, comme il a commencé.<br />
Or ceci est bien à noter: car voici Abram qui estoit<br />
eslevé en haut, establi père des fidèles: il avoit esté<br />
bénit de Dieu quant à toutes vertus, il avoit un<br />
esprit excellent en soy: et neantmoins Melchisedec<br />
luy monstre qu'il faut qu'il soit tousiours augmenté<br />
en grace iusques en la fin, et qu'il ait iournellement<br />
son recours à Dieu. Car quand il le bénit, il'luy<br />
donne quant et quant une leçon, laquelle il faut<br />
qu'il garde et qu'il pratique tout le temps de sa<br />
vie. Que si Abram a eu besoin d'invoquer Dieu<br />
à tout iamais, quelques graces qu'il eust receuës et<br />
quelque dignité qui fut en luy, toutesfois qu'il ait<br />
falù que tousiours il se soit exercé en prières et<br />
oraisonB : que sera-ce de nous qui sommes encores<br />
bien loing de luy? Ainsi donc vous voyez pourquoy<br />
i'ay dit qu'il faut que nos prières regardent le temps<br />
advenir, puis que nous avons tousiours besoin d'estre<br />
secourus de Dieu, qu'il ait pitié de nous, qu'il nous<br />
recoure, et qu'il augmente de plus en plus ses<br />
graces en nous. Et puis il faut qu'elles regardent<br />
le temps passé quant aux louanges et action de<br />
graces, c'est que nous protestions de tenir tout bien