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769 SERMONS. 770
c'est alors qu'il endure beaucoup plus. Or Abraham
se void là avec son fils quand il marche et
qu'il le conduit ainsi: et mesmes après [pag. 275]
luy avoir ainsi respondu, qu'encores il marche, cela
est pour mieux amplifier la vertu qu'il a eu, que
rien ne l'a destourné que tousiours il n'ait poursuivy,
d'autant que Dieu le conduisoit. Et ainsi
nous voyons comme il a esté fortifié d'en-haut;
car il estoit impossible que selon l'homme il peust
venir a bout de surmonter telles dificultez. Dieu
donc, luy a tenu la main forte. Mais ce qui est
escrit de luy, c'est pour nostre instruction, à fin
que nous sachions qu'Abraham, combien qu'il fust
homme debile comme nous, neantmoins n'a pas
laissé de veincre tout ce qui estoit repugnant à sa
foy, d'autant que Dieu luy a assiste. Et quand
auiourd'huy nous cognoissons nostre foiblesse, que
ce n'est point pour nous y flatter et pour prendre
excuse, comme font beaucoup: mais que c'est pour
nous aiguillonner, à fin que nous invoquions Dieu,
et que nous attendions de luy ce qui nous défaut
et que nous marchions en telle perseverance, que
quand le diable aura machiné et d'une sorte et
d'autre de nous desbaucher et de nous faire tourner
bride, neantmoins que nous allions tousiours
plus avant. Car ce qui est ici dit du chemin de
trois lours, c'est pour nous monstrer que nous
avons à continuer tant qu'il plaira à Dieu. Il est
vray que les tentations nous dureront bien [pag. 276]
quelques fois et un an, et dix et toute nostre vie,
et il le faut mesmes. Mais notons qu'Abraham a
esté tenté aussi en d'autres sortes, voire pour
toute sa vie: car il n'a pas encores esté à repos
après avoir recouvré son fils Isaac, mais en une
seule espèce do tentation si voyons-nous de terribles
combats. Et ainsi que nous soyons incitez à
prier Dieu, et de continuer du iour au l'endemain,
sans fin et sans cesse. Il y a d'avantage à noter
ce que nous verrons encores plus à plein, c'est assavoir,
de l'obéissance d'Isaac: car il falloit à la
vérité qu'il fust sacrifié de son bon gré, et pour le
moins qu'il eust une affection de se reigler et conformer
à son père, pour faire offrande à Dieu.
Voila pourquoy notamment il est dit, qu'ils ont
marché ensemble, et qu'Isaac a porté le bois. Et
ainsi apprenons de nous renger tellement à la volonté
de Dieu, que combien qu'il nous faille faire
force à nos passions et nous captiver (comme desia
nous avons dit) neantmoins que nous ne laissions
pas de nous rendre à luy franchement, et de nostre
bon gré: car il faut que ce combat-ci soit en tous
fidèles, c'est assavoir, combien qu'ils ayent beaucoup
de regrets, et combien que Dieu les exerce
si vivement qu'ils ayent quelques doutes et quelques
remords, mesmes qu'ils soyent quelques fois
comme faschez pour estre revesches [pag. 277] à
Galvini opera. Vol. XXIII.
Dieu, si faut-il neantmoins qu'en la fin ils facent
leur conclusion de se submettre et assuiettir à la
volonté de Dieu: et que leurs passions qui sont
contraires ne les empeschent point de luy estre
tellement suiets, que ce soit de leur bon gré qu'ils
se remettent à luy et en la vie et en la mort.
Exemple. Voila nostre Seigneur Iesus Christ qui
dit à sainct Pierre: Quand tu seras vieil, on te
mènera là où tu ne voudras point. Or il est certain
que quand sainct Pierre à enduré pour l'Evangile,
ce n'a pas esté comme un forçaire ne qu'il
ait grincé les dents: c'a esté de son bon gré, et a
offert à Dieu un sacrifice volontaire. Et toutesfois
nostre Seigneur Iesus Christ dit qu'il ne le voudra
point. Voila comme il faut qu'il y ait double vouloir
aux fidèles: et ce ne sont pas choses incompatibles.
De nostre nature nous serons tousiours
incitez à nous rebequer à lencontre de Dieu.
Voila un vouloir qui est mauvais. Or il faut qh'il
soit dompté, et que nous ayons un autre vouloir
qui surmonte, et que nous aimions mieux mourir
pour nous conformer à la volonté de Dieu, que de
vivre et cependant de reietter son ioug. Voila donc,
ce que nous avons encores à retenir sur ce qui est
dit, qu'Isaac a marché ensemble avec son père, et
ont passé plus outre.
PRIERE.
Or nous nous prosternerons devant la maiesté
[pag. 278] de nostre bon Dieu en cognoissance de
nos fautes, le priant qu'il nous en vueille tellement
toucher que ce soit pour les hair, pour nous
en despouiller et y renoncer. Et que cependant il
nous supporte tellement en nos foiblesses, qu'il ne
laisse pas d'avoir nostre service agréable, encores
qu'il soit imparfait, et qu'il y ait beaucoup de
choses qui pourroyent estre à bon droit réprouvées
de luy. Et au reste, que nous apprenions de nous
remettre tellement à sa conduite, que nous n'ayons
pas les yeux trop esveillez pour voir plus qu'il ne
nous est licite: mais que nous attendions qu'il
donnera tousiours bonne issue à nos voyes, moyennant
que nous ne cerchions sinon de suivre là où
il nous appelé, et que nous tendions touiours au
but lequel il nous a proposé. Que non seulement
etc. [pag. 279].
LE TROISIEME SERMON,
DU MARDI ONZIEME IOUR DE IUIN,
MILLE CINQ CENS SOIXANTE.
En Genese au chapitre vingt deuxième.
Ils viennent donc au lieu duquel le Seigneur luy
avoit dit. Et Abraham dressa un autel en la mon-
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