volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
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im SERMONS. 73$<br />
outre. Il est dit que Dieu a donné la terre de<br />
Chanaan à Abram: elle luy estoit desia donnée<br />
comme nous avons veu au douziesme chapitré. Et<br />
cela luy a esté réitéré par plusieurs fois: il en a<br />
maintenant les oreilles batues. Il Bembleföit donc<br />
que ce fust un langage inutile et superflus: mais<br />
.comme i'ay desia dit, c'a esté un grand bien inestimable<br />
à Abram, quand il se peut ainsi refraischiry.<br />
et prendre courage, à fin de ne point faillir, mais<br />
poursuyvre tousiours la saincte vocation de Dieu.<br />
Au restre, notons bien que Dieu l'entretient settlement<br />
de paroles: et en cela nous voyons l'honneur<br />
que nous luy devons porter, voire et ne point<br />
nous défier de luy, encores que 1'effect de ce qu'il<br />
nous promet n'apparoisse point devant nos yeux:<br />
mais que nous soyons tenu tellement en suspend.<br />
Il dit: le t'ay attiré en ceste terre, la quelle io te<br />
donne. Et bien Seigneur tu as promis de me la<br />
donner voirement: me voici desia ancien et caduque,<br />
et quand le temps viendra-il? O, ne te chaille ie<br />
te seray propice. Et voire, mais où est la monstre<br />
de ce que i'ay attendu par ci devant? le m'en vay<br />
mourir, et ie demeure tousiours un povre estranger,<br />
ie n'ay point mesme de semence [pag 2 11] (comme<br />
il a dit par ci devant) et que sera-ce donc Seigneur?<br />
Or si faut-il que ma parole te suffise. Voila donc<br />
la nature de la foy, que nous ayons les yeux clos,<br />
et tous nos sens arrestez pour nous assuiettir à la<br />
volonté de Dieu, et pour donner lieu à sa vérité.<br />
Il faut bien que nous ayons les oreilles <strong>ouverte</strong>s et<br />
attentives pour recevoir ce que Dieu nous dira: et<br />
quand il nous aura donné le mot, que nous concluons<br />
qu'ainsi sera. Et comment? Or, ce n'est<br />
pas à nous d'en deviser, cela n'est pas à nostre disposition:<br />
mais il nous le faut laisser au conseil et<br />
à la volonté de Dieu, comme nous avons desia dit.<br />
Voila donc, comme il nous faut honnorer Dieu adioustant<br />
foy à sa saincte parole. Au reste nous<br />
avons tousiours à noter ce qui a esté declairé ci<br />
dessus, c'est assavoir, que Dieu a donné simplement<br />
pour gaige la terre de Chanaan à son serviteur, et<br />
qu'il ne l'a pas voulu amuser. Car c'eust esté aussi<br />
une recompense bien maigre, et bien froide pour<br />
Abram, s'il n'eust eu que ceste terre-la. Car il est<br />
certain qu'il a esté mené d'un autre esprit, c'est<br />
qu'il a veu mesme le iour de nostre Seigneur Iesus<br />
Christ, comme il en est parlé au huitième chapitre<br />
de sainct Iehan: et puis il s'est confessé pèlerin en<br />
ce monde: il avoit donc son heritage ailleurs. Et<br />
pour tant quand il luy dit que ceste terre luy est<br />
[pag. 212] donnée en heritage ce n'est pas son dernier<br />
but, son affection n'est pas là fichée ni envelopee:<br />
mais il va plus outre. Car comme desia<br />
nous avons veu, puis qu'il a renoncé le pays de sa<br />
naissance et qu'il l'a quitté pour vivre eu pays estrange<br />
etincognu, ilfalloit bien qu'il tendit au ciel.<br />
Calvin i opera. Vol. XXIII.<br />
Ainsi donc, notons combien que la terre de Chanaan<br />
soit appellee son heritage, comme quand elle<br />
est aussi appellee le repos de Dieu et son domicile:<br />
tontesfois cela est comme un gage ou une arreh<br />
à parler plus proprement. Car un gage encore»<br />
emporte valeur correspondante à ce qui doit estre<br />
asseuré: mais une arre ne sera rien* On baillera<br />
le deriieï à Dieu qu'on appelle, pour un marché<br />
de mille' eseus ou cent fois plus. Et voila une piece<br />
qu'on baillera, et de quelle valleur? De nulle, un<br />
pot de vin emportera-il une terre, ou une possession<br />
grande qui sera pour enrichir et trois et quatre<br />
hommes? Mais quoy qu'il en soit ceste arre-lä est<br />
destinée à tel usage. Ainsi donc, la terre de Chanaan,<br />
a esté l'héritage' de tous les enfans d'Abram,<br />
et de ceux- qui sont descendus de sa lignée, voire<br />
en telle sorte que ce leur a esté comme arres du<br />
ciel: tant y a que les vrais fidèles ne se sont point<br />
attendus là, et n'y ont point esté fichez, comme i'ay<br />
desia dit, mais ont tousiours pensé plus haut. Nous<br />
voyons [pag. 213] donc en somme où Dieu a voulu<br />
appeller Abram, comme s'il disoit, qu'il ne luy fist<br />
point mal 3 e languir. Car les promesses qu'il a receuës<br />
par ci devant luy seront accomplies: et qu'il ne<br />
faut point qu'il se fonde sur son sens propre. Et<br />
pourquoy? Qu'il regarde celuy qui a parlé, c'est<br />
l'Eternel qui est immuable. Nous changeons à chascune<br />
minute de temps, et puis voila qui est cause<br />
de nous ennuyer et de nous faire chagriner, quand<br />
Dieu n'accomplist pas ce qu'il a dit du premier<br />
coup: ou que nous regardons la breveté de nostre<br />
vie, et que le temps que nous avons à vivre n'est<br />
qu'une ombre qui se remue, il nous semble que<br />
Dieu ne viendra iamais à temps. Aussi faut-il que<br />
nous apprenions de corriger ce vice-la par ce que<br />
nous oyons ici qu'il est dit à Abram, le suis l'Eternel<br />
qui ne change point: et puis nous oyons ce<br />
qui est dit, que mille ans sont comme un iour devant<br />
luy, ainsi qu'il en est parlé au Cantique de<br />
Moyse, et que sainct Pierre aussi l'applique à ce<br />
propos-la. Car les moqueurs de Dieu, dit-il, voyans<br />
que le temps s'escoule, se moquent, comme si lès<br />
menaces et promesses de Dieu estoyent frustratoires.<br />
Non, Non, dit-il, il ne vous abuse point, il accomplira<br />
ce qu'il dit, quoy qu'il tarde: car mille ans sont<br />
devant luy comme un iour. Il faut donc que nous<br />
eslevions nostre veuë [pag. 214] plus haut, et que<br />
nous cognoissions, puis que c'est l'Eternel qui parle<br />
à nous, qui ne change et ne varie iamais, qu'il fera<br />
ce qu'il a dit: non point selon nostre opinion, mais<br />
comme il cognoist estre bon. Et de nostre part il<br />
ne faut point que nous soyons impétueux ou fretillans,<br />
mais que nous sortions par manière de dire<br />
hors de nous-mesmes pour venir à luy, auquel il<br />
n'y a point d'inconstance ni de légèreté, car il est<br />
l'Eternel. Et puis que nous apprenions que quand.<br />
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