volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE

•651 SERMONS. 652
sont expositeurs, qu'il y a l'Evangile, qui est une
trompette qui doit non seulement entrer en nos
aureilles, mais percer toutes nos pensées et affections?
Quand donc Dieu a tant de moyens pour
nous retenir en la pureté de son service, si nous
en déclinons, et que les hommes nous transportent:
et sous umbre que nous verrons qu'une telle coustume
a la vogue, qu'en un toi abus regne, qu'il
est receu et accepté, que nous venions [pag. 33] nous
mesler parmi les incrédules et idolâtres: quelle
condamnation sera-ce à nous, veu que Melehisedec
a persisté en telle constance et fermeté de sa foy?
Ainsi donc apprenons d'avoir nos yeux dressez à
Dieu, nos aureilles comme attachées à sa parole, et
tous nos sens attentifs, afin de ne iamais estre destournez,
combien que nous soyons agitez icy bas
comme en une mer, et que les vents et tourbillons
soufflent: et quand il y aura un'peuple qui tiendra
une religion, qu'il y aura un grand Roy qui voudra
qu'on se gouverne ainsi et ainsi, apprenons neantmoins
de tousiours nous tenir à Dieu seul, et qu'il
nous suffise, pour faire que nous no déclinions
iamais du chemin qu'il nous a monstre par sa
parole: et que la clarté de la Loy et de l'Evangile
soit tousiours devant nous, et que nous n'errions
point, quand nous saurons que Dieu est nostre
conducteur. Voila donc ce que nous avons à retenir
quant à l'exemple de Melehisedec. Or venons
maintenant au texte de Moyse : il est dit que
(Melehisedec Boy de Salem a offert pain et vin, et
estoit sacrificateur du Dieu vivant, et a bénit
Abram). Il faut resouldrece texte: que Melehisedec,
entant qu'il estoit Roy, a receu Abram, et luy a
donné pain et vin pour la refection de luy et de
sa compaignie: et en qualité de sacrificateur, qu'il
l'a bénit, et qu'Abram aussi luy a donné les décimes
[pag. 34] de toute la despouille. Voici donc Melehisedec
qui nous est mis en avant Roy et Sacrificateur.
Et nous faut bien distinguer, pour prendre les actes
divers selon les offices ; car comme desia nous avons
touché, entant qu'il estoit Roy : il a exercé libéralité
envers Abram: il l'a repeu avec sa bande: et
entant qu'il estoit Sacrificateur il a bénit Abram.
Or c'estoit une chose assez commune entre les
anciens, qu'un Roy fut sacrificateur: comme aussi
les gens profanes monstrent que cela a esté en
usage en beaucoup de pais. Car les Roys ne se
contentans pas de leur estât, appetoyent aussi par
ambition d'estre sacrificateurs, pource qu'il leur
sembloit qu'il y avoit là une -dignité plus sacrée
qu'en la maiesté royale. Et voila pourquoy ils se
sont faits sacrificateurs souvent. Et de fait nous
voyons que cela a esté appeté avec grandes brigues,
et que ceux qui avoyent credit et reputation, se
sont tousiours voulu avancer en cest endroit: mais
quoy qu'il en soit, si est-ce que Moyse recite cecy
comme singulier, de Melehisedec. Cependant si
voyons-nous que Dieu a discerné l'un d'avec l'autre
en sa Loy et n'a point voulu qu'une seule personne
eust les deux. Moyse a esté aussi excellent en
toute perfection de vertus que iamais il y eut homme
né au monde: et neantmoins si est-ce que Dieu ne
l'a point voulu avoir pour Sacrificateur [pag. 35j,
mais son frère Aaron, d'autant que Moyse estoit
assez empesché au gouvernement qu'il soustenoit.
Et défait nous voyons comme Osias a esté puni:
car estant Roy il est meu de ceste foie arrogance,
qu'il veut aussi usurper la sacrificature : et seulement
pour avoir fait le perfum à l'autel, il est frappé de
lèpre, mis en ignominie, et reclus pour toute sa vie.
Et si semble il qu'il y ait quelque devotion bonne*
ou pour le moins qu'il fut à excuser. Voire mais
Dieu ne punit point seulement; ce qui apparoit: car
il a cognu l'orgueil du Roy Osias; Et puis il est
dit qu'obéissance vaut mieux que tous sacrifices.
Et d'autant qu'il s'est ingéré constre la deffense de
Dieu, et qu'il a troublé la vocation et l'ordre qui
devoit estre inviolable: voila pourquoy il esfepuni:
et selon qu'il ne s'est point contenté de son degré,
il faut qu'il soit rendu comme infame et detestable,
et séparé de la compaignie des hommes. Ainsi
nous voyons qu'en la Loy ç'ont esté deux choses
incompatibles, que le royaume et la sacrificature.
Puis qu'ainsi est donc, il faut conclure qu'il y a
icy un exemple singulier, et qui n'appartient point
à la Loy. Il est vray qu'en ce temps-la la Loy
n'estoit point encores escrite, et la lignée de Levi
n'estoit pas encores au monde, pour avoir le droit
de la dignité sacerdotale: mais tant y a que cest
exemple ici nous est demonstré [pag. 36] pour instruction,
afin que la Loy demeure en sa vigueur,
et que l'Eglise en soit édifiée, comme il appert par
le Pseaume que nous avons allégué. Il faut donc
conclure qu'il n'est point parlé ne de Salomon, ne
de quelque autre Roy descendu de la race de
David: car s'ils estoyent Roys, il falloit qu'ils s'abstinssent
de la sacrificature, ou autrement ils
estoyent apostats. Pourtant quand il est dit que
y aura un Roy à la figure de Melehisedec, et selon
son ordre et son estât: cela monstre qu'il n'estoit
point parlé de toute la race de David, qui est
descendue de luy selon la chair, sinon iusques à.
ce que nous venions au souverain Sacrificateur qui
est nostre Seigneur Iesus Christ. Il est bien vray
qu'il est fils de David et de sa semence: mais il y
a en luy un regard special, voire unique: c'est qu'il
met fin à la sacrificature legale, d'autant qu'il a
son royaume spirituel: c'est aussi pour mettre fin
à cest Empire terrien, qui avoit esté establi pour
un temps, et iusques à, sa venue. Or quand il est
nommé Perpétuel: c'est qu'il a continué en la personne
du Rédempteur. C'est donc ce' que nous