volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
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759 SERMONS. 760<br />
contraire à soy. Or est-il ainsi qu'il m'a declairé<br />
que i'auroye semence en Isaac, et que de là devoit<br />
venir le Sauveur du monde: il faut que ie retiene<br />
cela. Or il m'est commandé à ceste heure de tuer<br />
Isaac: il n'y a ordre, car il faut que ce que i'ay<br />
desia receu tiene. Voila comme Abraham se fust<br />
excusé,- tellement qu'il eust esté rebelle à Dieu<br />
sous ombre de luy obéir. Mais que fait-il? Il<br />
considère que Dieu est puissant pour accomplir ce<br />
qu'il luy avoit promis touchant Isaac. Et voire,<br />
mais quand il sera mort, que sera-ce? Ouy, comme<br />
si Dieu [pag. 254] n'estoit point le Seigneur de la<br />
mort. Voila donc le vray combat de la foy d'Abraham,<br />
c'est que la mort se présente devant ses yeux:<br />
et c'estoit pour le rendre confus, mais il eleve la<br />
puissance de Dieu plus haut, et dit: Dieu surmontera<br />
encores en cest endroit. Et comment? Or il<br />
n'est pas question que l'homme soit ici iuge ni<br />
arbitre, ne qu'il lasche la bride à son opinion, ne<br />
qu'il mesure la puissance de Dieu: mais il faut<br />
qu'il ferme les yeux, et qu'il se tiene là, pour dire:<br />
Dieu besongnera en telle sorte qu'il faudra que i'y<br />
soye estonné: mais maintenant ce n'est pas à moy<br />
de m'enquerir pourquoy, ne comment il veut ainsi<br />
besongner : il faut que ie soye comme lié : iusques<br />
à ce que Dieu me declairé ce qui m'estoit auparavant<br />
incognu. Et cela se verra tantost plus clairement<br />
en ce mot que respond Abraham à son fils:<br />
Mon fils, Dieu y pourvoira. Nous voyons donc<br />
maintenant comme nous avons à honorer Dieu,<br />
quand il est question d'accepter ses promesses, et<br />
de nous y tenir, et de faire une bonne resolution<br />
de suivre par tout où il nous appelé: c'est assavoir,<br />
que nous sachions que les issues de mort sont en<br />
sa main, comme il est dit au Pseaume: Et quand<br />
nous ne verrons que des Abysmes devant, qu'il<br />
semblera qu'ils nous doyvent engouffrer: toutesfois<br />
que nous marchions là où Dieu nous [pag. 255]<br />
appelé. Or il dit notamment qu'Abraham a basté<br />
son asne, qu'il a mis le bois dessus avec la provision,<br />
et qu'il s'en est allé avec deux serviteurs<br />
et son fils. Ici Moyse exprime plus spécialement<br />
ce qui a esté touché ci-dessus, c'est assavoir, que<br />
Dieu a examiné la foy d'Abraham iusques au bout,<br />
quand il l'a ainsi tenu en suspen. C'estoit assez<br />
qu'Abraham coupast le bois, et qu'il marchast seulement<br />
quelque iect d'arc pour tuer son fils : mais<br />
il faut qu'il se mette en chemin, ne sachant où il<br />
doit aller, et puis la nuit vient qui apporte tousiours<br />
avec soy plus de fascherie et de chagrin.<br />
Quand nous avons desia quelque tristesse et quelque<br />
sollicitude, il est certain que le mal se redouble<br />
de nuit. Or il faut qu'Abraham en endure,<br />
et qu'il soit agité de toutes parts. Et bien,<br />
est-il levé le matin? c'est encores à recommencer.<br />
Le iour il void son povre fils, lequel il<br />
doit tuer puis après: et tousious ces fantasies<br />
luy revienent au devant. Comment? que ie soye<br />
murtrier de mon propre sang, et que devant Dieu<br />
et devant les hommes ie commette un acte qui<br />
pourroit estre le plus detestable qu'on pourroit.<br />
penser? Car c'est une chose monstrueuse: et ceci<br />
est pour faire dresser les cheveux en la teste do<br />
tout le monde. Mais quoy qu'il en soit, si faut-il<br />
qu'Abraham s'efforce tousiours et qu'il [pag. 256]<br />
marche, et qu'il demeure la seconde nuict. iusques<br />
au troisième iour que Dieu luy monstre la montagne<br />
de Moria, qui est le lieu où depuis a esté<br />
bastie Ierusalem. Voila donc ce que nous avons à<br />
retenir, c'est assavoir, que pour bien combatre<br />
contre toutes tentations, il ne faut pas seulement<br />
que nous ayons quelque ardeur soudaine de foy:<br />
mais une telle persévérance que nous ne défaillions<br />
pas, combien que Dieu nous prolonge le combats et<br />
que nous n'en ayons pas du premier coup la délivrance.<br />
Et c'est un point bien nécessaire, car ceux<br />
qui monstreront grande affection et singulière<br />
d'obéir à Dieu, souventesfois n'auront que des<br />
bouffées: et cela s'escoulera, comme nous l'expérimentons<br />
par trop. Et ainsi ne trouvons point<br />
estrange si Dieu ne nous délivre pas incontinent,<br />
quand nous serons assaillis de quelque combat, et<br />
que nostre foy doit estre esprouvee: si nous ne<br />
surmontons pas du premier iour: mais qu'il faille<br />
continuer, n'estimons pas que Dieu passe mesure,<br />
ensuyvons plustost l'exemple de nostre père Abraham<br />
en cest endroit. Or il est dit quant et quant,<br />
qu'il a commandé à ses serviteurs de se tenir là,<br />
qu'il a chargé son fils Isaac du bois pour faire le<br />
sacrifice. Car il n'estoit pas question seulement<br />
de tuer Isaac: mais il falloit qu'il le bruslast encores,<br />
et qu'il mist le [pag. 257] corps en cendres.<br />
Il charge donc Isaac de bois, et commande à ses<br />
serviteurs de se tenir-là: car il void bien que ses<br />
serviteurs n'eussent iamais permis un tel acte:<br />
plustost ils eussent estimé: Voici un povre vieillard<br />
radouté, il y a quelque furie qu'il a pris, il proteste<br />
qu'il a commandement de Dieu, mais est-il<br />
possible que Dieu ait commandé une chose si<br />
cruelle? Ils n'eussent donc eu garde de iuger que<br />
ceste obeissance-la eust esté un service de Dieu:<br />
mais ils l'eussent tenu comme un homme enragé<br />
et hors du sens. Abraham cognoit cela, et c'est<br />
une circonstance que nous devons bien noter, c'est<br />
assavoir, que puis qu'il a appréhendé l'infamie et<br />
opprobre qui luy viendroit, et que chacun estimeroit<br />
qu'il eust fait cela par frénésie, et que iamais Dieu<br />
n'eust tenu pour agréable un tel service : puis, di-ie,<br />
qu'il a appréhendé cela, et que neantmoins il ne<br />
luy chaut de toute l'ignominie qui luy estoit apprestee<br />
selon les hommes, en faisant une chose<br />
qui estoit contre nature, et qui estoit une cruauté