volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
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781 SERMONS. 782<br />
deuce. Voila donc comme en fait Abraham lors<br />
que Dieu le tenoit (par manière de dire) comme à<br />
la torture, que non seulement il estoit pressé de<br />
solicitude : mais de telle tristesse qu'il estoit comme<br />
un povre homme abysmé en desespoir, Dieu y<br />
pourvoira, dit-il. Maintenant aussi nous voyons<br />
que Dieu le resiouit, et qu'il a de quoy luy sacrifier<br />
et luy rendre action de graces: il offre un<br />
mouton, voire qu'il ne tire pas de son estable, Dieu<br />
luy donne tellement qu'il n'y a là rien du sien.<br />
Enquoy Dieu luy veut encores tant mieux testifier<br />
sa bonté. Abraham donc, s'est-il résolu en cela,<br />
que Dieu pourvoiroit pour le secourir de ceste angoisse<br />
en laquelle il estoit? Dieu maintenant luy<br />
donne occasion de ioye, et veut que cela soit engrave<br />
en sa memoire, et que tout le temps de sa vie<br />
il ait dequoy recourir à Dieu, et qu'il continue en<br />
cela non seulement pour ce peu de temps qu'il a<br />
encores à vivre: mais il veut que ce titre soit engrave<br />
en la montagne, à fin que ses successeurs en<br />
parlent, et que ce benefice soit memorable, qu'il<br />
soit en la bouche de chacun, et qu'on sache: Voila<br />
Dieu qui a esprouvé la foy de nostre père Abraham,<br />
voire iusques à la mort de son fils, et cependant<br />
cela ne luy a rien cousté. [pag. 302] Car si<br />
tout ceci n'eust esté ainsi fait, il n'eust pas si visiblement<br />
cognu la grace de Dieu en la protection<br />
que nous voyons en Isaac, quand il est retiré<br />
comme de mort à vie. Et Abraham mesmes ne<br />
l'eust pas si bien appréhendée, car c'estoit comme<br />
si Dieu fust descendu du ciel, et qu'il luy eust dit:<br />
Regarde maintenant, tu n'as pas seulement ici une<br />
creature mortelle: mais tu as un fils auquel ma<br />
vertu se declaire, et tu peux desia gouster que le<br />
salut du monde procédera de là. Abraham donc,<br />
veut que cela soit cognu et célébré entre ses successeurs,<br />
et que cela leur serve d'instruction à perpétuité.<br />
Voila done, ce que nous avons à retenir<br />
de ce passage. Et ainsi apprenons tousiours de<br />
méditer la providence de Dieu en toute nostre vie,<br />
tellement que si nous avons quelque fascherie qui<br />
nous tormente et nous engendre sollicitude, apprenons,<br />
di-ie, de nous reposer en Dieu, comme c'est<br />
son office de prouvoir à tout. Il est vray qu'il<br />
nous laissera bien quelque provoyance, comme il<br />
faut que chacun ait le soin de sa famille, que nous<br />
ayons industrie pour nous appliquer à ce qui est de<br />
nostre devoir, que chacun aussi serve à ses prochains:<br />
mais cependant si faut-il que Dieu pourvoye<br />
par dessus nous, et que quand les choses<br />
nous seront obscures, et que Dieu mesmes nous<br />
amènera en telles perplexitez, que nous [pag. 303] ne<br />
verrons nulle issue: apprenons, di-ie, de luy faire cest<br />
honneur qu'il soit sage pour nous, c'est à dire,<br />
qu'il ait la conduite de nostre vie, et qu'il nous<br />
suffise d'estre gouvernez par luy, et de cheminer<br />
où il nous commande. Voila comme en toutes nos<br />
faschqries, perplexitez et angoisses il nous faut avoir<br />
nostre refuge à la Providence de Dieu, sachant<br />
que c'est à luy de nous gouverner: et quand il<br />
disposera de nous selon sa volonté, que tout ira<br />
bien, car sa bonté et sa miséricorde, sa vertu et<br />
sagesse seront pour nous conserver. Et aussi à<br />
l'oppo8ite, quand nous serons en paix et en repos,<br />
que nous ne laissions pas neantmoins de nous tenir<br />
tousiours sous ceste bride, Qu'il faut que Dieu<br />
provoye: et que nous ne soyons pas comme ceux<br />
ausquels la graisse crevé les yeux, comme ceux<br />
qui sont pleins de fierté. Quand les uns seront<br />
riches, les autres seront en credit et en authorité,<br />
les autres auront support du costè des hommes,<br />
les voila tellement assoupis ou amortis plustost,<br />
qu'il ne pensent plus à la Providence de Dieu: il<br />
leur semble qu'ils ont le vent en pouppe, comme<br />
on dit. Or pour ceste cause, encores que Dieu<br />
nous face prospérer, et que tout nous viene à<br />
plaisir, ne laissons pas de tousiours avoir les yeux<br />
eslevez à la Providence de Dieu, cognoissans [pag. 304]<br />
que tout bien vient de luy, et qu'il, nous le pourra<br />
oster quand il luy plaira, et qu'il le pourra aussi<br />
bien continuer quand nous-nous reposerons en luy<br />
seul. Or Moyse adiouste, qu'on a finalement<br />
appelé la montagne, Dieu y sera veu. Il sembleroit<br />
que le nom eust esté changé par erreur, car il y<br />
a grande diversité entre ces deux choses : Que Dieu<br />
void, et Qu'il soit veu. Mais les successeurs ont<br />
voulu monstrer que quand nous faisons cest honneur<br />
à Dieu, d'estre bien persuadez qu'il void, c'est à<br />
dire, qu'il a assez de sagesse pour nous conduire,<br />
qu'il se monstre aussi et qu'il a esté veu de nous.<br />
Il y a donc deux choses, comme nous en avonß<br />
traitté ci dessus en parlant d'Hagar : car elle disoit:<br />
Tay veu après celuy qui m'a veu. Hagar confessoit<br />
que Dieu l'avoit veue, mais c'estoit lors qu'elle n'y<br />
pensoit point: et en la fin elle a veu Dieu, mais<br />
c'a esté trop tard. Car Hagar estoit là comme<br />
une brebis perdue et esgaree: et ainsi il faut que<br />
Dieu la voye cependant qu'elle ne pense point à<br />
luy. Or voici le vray ordre qu'il nous faut tenir,<br />
c'est que nous cognoissions que Dieu void, et cela<br />
emporte que nous le voyons: c'est à dire, que nous<br />
avons nostre foy dressée à luy, et que nous sachions<br />
qu'il nous a pris en sa charge et en sa protection,<br />
et que iamais ne nous mettra en [pag. 305] oubli,<br />
et qu'il a les moyens de nous secourir en toutes<br />
nos destresses. Voila donc comme nous voyons<br />
Dieu par foy, sachans qu'il est assez provoyable<br />
pour nous envoyer tout ce que besoin sera, et de<br />
nous retirer de toutes les misères et povretez<br />
esquelles nous sommes, d'autant que nous sommes<br />
en sa main. Or avons-nous commencé par là, de<br />
luy attribuer ce titre et cest office de Voyant?