volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
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747 SERMONS. 748<br />
c'est qu'Abraham a esté contraint de tuer son fils<br />
voire son propre fils unique. Or ceci outrepasse<br />
tout ce qui seroit possible d'imaginer d'obéissance,<br />
qu'un homme fidèle seroit prest de rendre à Dieu,<br />
nous devons estre siens et à vivre, et à mourir:<br />
mais ce qui est ici commandé à Abraham, est<br />
beaucoup plus. Car il n'est pas question seulement<br />
qu'Abraham se renge du tout à [pag. 228] Dieu,<br />
renonçant à soy-mesme, et que lo fils qui luy a<br />
esté donné luy soit osté, et qu'il le quitte, comme<br />
quand il plairoit à Dieu de le retirer qu'il portast<br />
cela patiemment: il n'est pas question de cela, mais<br />
il faut que luy mesme le tue. Voila une chose si<br />
dure et si estrange que nous n'en pouvons pas ouir<br />
parler, que nous n'en soyons comme esperdus. Ce<br />
n'est point donc sans cause, que Moyse depuis le<br />
chapitre neufieme, après qu'il a raconté ci dessus<br />
de la vie d'Abraham, met cest acte en avant, et<br />
dit qu'après ces choses Dieu l'a encores tenté. Or<br />
il avoit eu une tentation bien grande, quand Dieu<br />
l'arracha de la maison de son père: et mesmes les<br />
mots l'emportent, quand il dit: Sors de la maison<br />
de ton père: et de tout ton parentage, et du lieu<br />
de ta naissance, et puis, où est-ce qu'il trouvera<br />
meilleure habitation? Vien, dit-il, en un pays<br />
incognu, comme un povre aveugle qui a les yeux<br />
fermez. Voila le pays où ie te veux mener, voire<br />
mais il ne luy est pas cognu: il faut donc qu'il soit<br />
là comme iettant la plume au vent, ne sachant de<br />
quel costé se tourner. Voila, di-ie, une grieve<br />
tentation à Abraham, quand il faut qu'il suyve là<br />
où Dieu l'appelle, ne sachant toutesfois où il va, et<br />
neantmoins c'est comme son Abc. Car voila par<br />
où Dieu commence quand il veut enseigner en son<br />
escole. Mais est-il entré [pag. 229] en la terre?<br />
nous voyons comme la famine l'en chasse, et comme<br />
la femme luy est ravie. Et pour la seconde fois<br />
mesmes, nous voyons qu'il est tormenté çà et là,<br />
qu'il n'a point de repos: il n'y a celuy qui ne se<br />
dresse contre luy, et luy endure toutes ces choses.<br />
Et cependant il ne murmure point contre Dieu, il<br />
ne se décourage point pour tous les troubles qui<br />
luy sont dressez, ni pour nulles afflictions qu'il<br />
endure: comme ceux qui sont tant délicats, que si<br />
Dieu ne les traitte à leur guise ils plaquent là tout,<br />
et ne veulent plus savoir que c'est de luy obéir.<br />
Or combien qu'Abraham fust ainsi traitté rudement,<br />
si ne laisse-il pas de continuer en un mesme train:<br />
mais après toutes ces choses, et combien est-ce<br />
qu'il endure? Ce n'est point seulement pour trois<br />
ou quatre ans, mais il est tellement agité, que<br />
quand il a passé vingt et trente et quarante ans<br />
en ceste terre, c'est tousiours à recommencer et pis<br />
que devant, iusques à ce qu'il est contraint mesmes<br />
de quitter l'amour de son fils aisné et de s'en despouiller,<br />
qui estoit desia comme une espèce de mort.<br />
Apres il y avoit ces tentations grandes, Que Dieu<br />
luy avoit promis de luy donner la terre: et cependant<br />
on le chassoit comme s'il n'eust pas esté digne<br />
d'arrester son pié en lieu qui fust. Dieu luy avoit<br />
promis semence: voire mais il vient iusques en<br />
[pag. 230] l'aage de quatre vingts ans, et sa femme<br />
est sterile, en sorte qu'il sembloit que ce fust une<br />
mocquerie de toute ceste promesse. Est-il venu en<br />
l'aage de cent ans? il a Isaac. Voire mais il faut<br />
qu'il chasse et bannisse Ismael, comme nous avons<br />
veu. Si nous pouvions bien gouster ces tentations-la<br />
il est certain que ce seroit pour nous ravir en<br />
estonnement, de ce qu'Abraham a eu une telle<br />
vertu, et telle constance de foy de batailler contre<br />
tels assauts, et tousiours les surmonter. Or donc<br />
quand il est dit: Apres ces choses: c'est pour<br />
monstrer que Dieu nous a voulu donner en la personne<br />
d'Abraham un miroir tel, que quand nous<br />
aurons à combattre, il ne nous face point mal de<br />
suivre ses pas, et que nous ne trouvions point<br />
estrange ou nouveau d'estre conformez à celuy qui<br />
est père de toute l'Eglise. Mais encores il est<br />
certain, que quand chacun regardera bien à toutes<br />
les tentations qu'il a à souffrir, ce n'est pas la<br />
centième partie de ce que nous voyons en Abraham.<br />
Ainsi notons, que selon que Dieu luy avoit eslargi<br />
de son Esprit, aussi il a voulu esprouver sa foy.<br />
Car il ne faut pas que les dons de Dieu soyent<br />
oisifs ni inutiles en nous: mais il traitte chacun<br />
selon sa mesure. Car il nous prepare à endurer,<br />
autrement nous ne saurions pas subsister: nous ne<br />
saurions aussi remuer un doigt pour bien faire<br />
[pag. 231], que nostre Seigneur ne nous dispose, et<br />
qu'il nous en donne la vertu. Quand donc il nous<br />
met en combat, il employe les graces de son sainct<br />
Esprit. Or d'autant qu'Abram a eu une grande<br />
perfection au prix de nous, selon que les hommes<br />
la peuvent avoir, voila pourquoy aussi Dieu l'a<br />
esprouvé de façons si estranges et desquelles nous<br />
n'approchons pas à beaucoup près: mais tant moins<br />
avons nous d'excuse de nostre paresse, froidure et<br />
lascheté, si pour le moins nous ne suivons nostre<br />
père Abraham: et si nous ne pouvons pas avoir<br />
une constance et foy égale à celle qui a esté en<br />
luy, si nous ne taschons de le suivre de loin, selon<br />
nostre portée et infirmité, il est certain que nous<br />
serons plus qu'inexcusables. Ainsi donc, nous avons<br />
à recueillir de ce passage, qu'Abraham tout le temps<br />
de sa vie a esté tormenté en corps et en esprit: et<br />
quand c'est venu à la fin Dieu l'a encores voulu<br />
esprouver plus vivement sans comparaison que<br />
iamais, en sorte que c'eust esté pour le faire désespérer<br />
cent mille fois, s'il n'eust esté conformé d'une façon<br />
admirable par le S. Esprit. Or cela nous est-il<br />
recité d'Abraham? ce n'est pas à fin que nous<br />
ayons simplement sa vertu en admiration, pour