volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE

697 SERMONS. 698
que nous sommes plongez au gouffre d'enfer. Voila, que nous sommes suiets à cacher nos fautes et à
di-ie, par quel bout il nous faut commencer si nous les ensevelir, voila pourquoy Dieu nous propose un
voulons bien cognoistre comment et pourquoy nous miroir en sa parole à ce que nous aprenions de
sommes iustifiez par la foy. Mais cela ne se pour­ nous iuger selon luy, et non pas selon nostre fanrait
pas déduire maintenant, nous le réserverons tasie. Combien donc que les hommes n'apperçoivent
donc à demain.
point du premier coup quelle povreté il y a en
eux, toutesfois quand ils seront bien esclairez et
PRIERE.
guidez par la parole de Dieu, cela leur doit suffire,
Or nous-nous prosternerons devant la maiesté pour demourer du tout confus : car si nous voulions
de nostre bon Dieu et Père en cognoissance de suivre nostre opinion chacun seroit iuste. Comme
tant de fautes et offenses par lesquelles nous luy Salomon aussi en parle que les hommes sont si
sommes plus que redevables, et desquelles nous de­ aveuglez de l'amour d'eux-mesmes qu'il n'y a celuy
vons estre du tout confus en nous mesmes. Et qui ne s'attribue et qui ne se face à croire mer­
cependant que nous ne laissions pas, estans en un veilles de ses vertus : mais Dieu poise les coeurs,
tel Abysme de desespoir de lever toutes fois la dit-il. Il nous faut venir à une autre balance: car
teste à luy, puis qu'il nous a fait ceste grace de il n'y a que fausseté quand nous pensons avoir
nous catcher, à fin de nous recueillir à soy, et que beaucoup de mérites. Et que les hommes aussi
Iesus Christ est descendu iusques aux enfers, à fin nous tienent en telle estime c'est d'autant qu'on ne
de nous en retirer et pour nous conduire iusques regarde qu'à l'apparence. Or ce qui est ainsi haut
au Royaume celeste. Que donc ceoy soit tellement et excellent devant les hommes, n'est qu'abomination
imprimé en nos coeurs, que nous soyons vrayement devant Dieu. Et pourquoy? Car il nous faut iuger
eslevez par foy, pour invoquer ce bon Dieu, qui des oeuvres selon le coeur et selon l'affection [pag. 129]
nous a adoptez pour ses enfans et pour nous arrester cachée. Et puis, il n'y a point de pureté, il est
du tout à luy. Et qu'il nous face la grace de impossible que les hommes soyent purs et nets ius­
tellement cheminer que son adoption [pag. 127] ne ques à ce que Dieu les ait purgez par foy ainsi
soit point vaine ni inutile en nous, mais qu'elle qu'il en est parlé au quinzième chapitre des Actes.
monstre ses fruicts en tant que nous serons gouvernez D'autre costé iamais nous ne servirons à Dieu d'une
par nostre Seigneur Iesus Ohrist selon qu'il nous affection franche, que nous n'ayons cognu qu'il nous
*a incorporez en luy. Que non seulement nous etc. veut estre débonnaire et propice comme il est dit
au Pseaume cent trente, Seigneur on trouvera tousiours
mercy vers toy: car, comme tu es, ainsi on
te trouve proce. Or les povres incrédules qui se
- SECOND SERMON DE LA IUSTD7ICATION. doutent de la volonté de Dieu et qui sont en inquietude
et en effroy, il est certain que iamais
Genese Chap. 15.
ne le serviront de bon courage. Or Dieu
n'acceptera rien de ce> qu'ils veulent faire, car
6. Abram ereut à Dieu, et luy reputa cela à iustice. il veut des sacrifices volontaires de nous: et
mesmes S. Paul dit qu'il ayme ceux qui luy
Nous commençasmes hier à traicter quelle est apportent libéralement et d'une franche affection.
la vraye entrée pour comprendre comme nous serons Voila donc comme nos oeuvres quelques belles
agréables à Dieu par foy, c'est que nous venions qu'elles semblent estre tant à nous qu'à tout le
à.nostre condition premiere, regardons quels nous monde, ne sont qu'ordure et infection devant Dieu,
naissons en Adam. Or nous voila tous maudits, iusqu'à ce qu'il nous ait purgez de nos macules et
dannez et perdus: iusques à ce que nous ayons polutions, et puis qu'il nous ait monstre à quel but
bien cognu cela, iamais nous ne gousterons que il nous faut aspirer et à quelle fin il nous faut
c'est d'obtenir grace et miséricorde de Dieu. Voici rapporter toute nostre. vie, c'est assavoir qu'il soit
donc le vray fondement pour bien bastir, c'est honoré de nous et qu'estans dédiez en son servioe
après que nous aurons bien examiné quels nous nous taschions de nous conformer pleinement à la
sommes, ayans trouvé qu'il n'y a en nous que toute iustice qu'il nous, monstre. Or cecy sera [pag. 130]
confusion, nous cerchions le remède ailleurs. Or déduit tantost plus au long quand nous parlerons
pour faire un tel examen nous avons besoin de de la Loy : pour ceste heure, ü suffit d'avoir cognu
venir à l'Escriture. Vray est que si-chacun pensoit que d'autant que l'amour de nous-mesmes nous
à soy sans se [pag. 128] flatter, qu'il seroit son iuge transporte, et que non seulement cela nous est
sans aller plus loin. Il ne faut point faire long comme un bandeau pour nous estouper les yeux,
circuit pour trouver des enquestes contre nous: car mais nous ensorcelé quasi du tout, que nous sommes
chacun a comme un cautère qui le brûle, et qui stupides et ne pensons point à nos misères, et ne
luy imprime la malediction de Dieu. Mais d'autant