volumen xxiii. - Archive ouverte UNIGE
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775 SERMONS. 776<br />
serions esmeus que pour l'authorité qu'il a par<br />
dessus nous. Et cela ne seroit que fumee. Mais<br />
quand nous l'aimons, son service nous est quant et<br />
quant amiable. Car David ne dit pas seulement<br />
que la Loy de Dieu luy a esté précieuse plus que<br />
l'or et l'argent: mais aussi qu'elle luy a esté douce<br />
comme miel. Ainsi donc, au lieu que nous sommes<br />
adonnez à nos plaisirs et volnptez, et que les cupiditez<br />
de nostre chair nous abrutissent, et nous transportent<br />
tellement, et nous allèchent, que nous ne<br />
demandons sinon d'embrasser les vanitez qui se proposent:<br />
au lieu donc que de nature nous sommes<br />
enclins à cela, Dieu nous veut changer: c'est à<br />
dire, qu'au lieu que nos concupiscences nous attirent<br />
çà et là, que nous ayons ceste affection qui<br />
surmonte, c'est assavoir, que nous prenions plus de<br />
plaisir de nous addonner à luy, et que nous soyons<br />
gouvernez par son sainct Esprit, pour nous conformer<br />
à sa iustice. Que. donc nous prenions plus<br />
de plaisir [pag. 289] à cela qu'en toutes nos voluptez<br />
meschantes et corrompues. Au reste, l'amour<br />
de Dieu ne peut estre sans reverence. Nous ne<br />
l'aimons pas comme nostre inférieur, et comme<br />
nostre compagnon et pareil: mais comme nostre<br />
Père. Et voila aussi pourquoy il dit par son Prophète:<br />
Si ie suis vostre Père, où est l'amour que<br />
vous me portez? Notamment il attribue ce nom<br />
d'Amour au Père. Or il met aussi quant et quant le<br />
mot de Maistre : mais sur tout il se nomme Père, et non<br />
sans cause. Car si nous ne cognoissons Dieu seulement<br />
que comme nostre supérieur, il est certain que,<br />
nous serons bien esmeus de nous assuiettir à luy:<br />
mais comme i'ay desia dit, ce sera une crainte servile.<br />
Or le principal est que nous le tenions pour<br />
nostre Père, et que nous soyons comme ravis de<br />
nous conformer à sa volonté, puis qu'il luy a pieu<br />
de nous adopter pour ses enfans. De là donc procede<br />
ceste reverence volontaire. Et voila comme<br />
nos coeurs seront distraits de toutes ces vanitez<br />
ausquelles ils sont enclins, iusques à ce que Dieu<br />
les dédie à soy. Ainsi notons bien que pour<br />
approuver nostre vie à Dieu, et pour estre bien<br />
reiglez, il ne faut point seulement que nous facions<br />
ce qu'il nous commande: mais que nous desirions<br />
aussi de le faire, et que nous captivions toutes nos<br />
passions [pag. 290] et cupiditez, qui resistent à ce<br />
que nous ne soyons attirez à Dieu pour estre conioints<br />
à luy et à sa iustice, et pour y adherer.<br />
C'est encores ce que nous avons à retenir sur ce<br />
mot d'Amour. Or il adiouste, rendant la raison<br />
pourquoy il a cognu qu'Abraham l'aimoit. D'autant,<br />
dit-il, que tu n'as point espargné ton fils unique.<br />
Or voici la touche à laquelle il nous faut venir,<br />
pour savoir si nous aimons Dieu, ou non. Vray<br />
est que chacun se fera accroire que rien ne luy défaut:<br />
mais cependant nous ne sommes pas iuges<br />
competans en nostre cause. Il faut donc, que le<br />
tout viene à l'apparence de Dieu, et à son bureau.<br />
Or il est dit notamment, que quand nous n'aurons<br />
rien espargné pour l'amour de Dieu, qu'alors nous<br />
aurons tesmoignage certain et infalible, que nous<br />
l'aimons. Au contraire si nous espargnons rien<br />
quand il sera question de son service, voila nostre<br />
hypocrisie qui est desc<strong>ouverte</strong>, où au paravant on<br />
ne l'avoit point cognue, et n'en pouvoit-on point<br />
iuger aussi. Brief, tout ainsi que la perfection des<br />
Chrestiens c'est d'adhérer à Dieu d'une volonté<br />
franche: aussi le second doit estre conioint, c'est<br />
assavoir, que pour aimer Dieu nous soyons prests<br />
de tout quitter, voire quelque desirable qu'il soit.<br />
Et que nous apprenions de préférer son honneur à<br />
toutes [pag. 291] choses les plus précieuses que nous<br />
ayons, iusques à n'espargner ne père, ne mere, ni<br />
femme, ni enfans, ni nos vies propres. C'est donc<br />
ce que nous avons à méditer tout le temps de<br />
nostre vie, quand nous voudrons savoir et nous<br />
bien enquérir si nous avons profité en la crainte<br />
de Dieu et en son amour, que nous regardions:<br />
Or çà, tu es addonné à tes biens, tu appetes trop<br />
les honneurs. Qu'un homme viene-là, et qu'il<br />
entre en conte avec soy-mesme sans feintise. S'il<br />
te falloit renoncer à tous les honneurs du monde<br />
que tu fusses vilipendé, qu'on te crachast au visage,<br />
et que cela fust requis pour l'honneur de Dieu,<br />
comment le porterois-tu? Si cest homme-la trouve,<br />
Helas, ie ne sauroye: s'il se sent encores empesché<br />
tant de son ambition, qu'il ne puisse pas estre là<br />
comme couché tout plat, quand il plaira ainsi à<br />
Dieu, ô il est certain qu'encores n'est-il pas venu<br />
là où il falloit. Qu'il s'efforce donc et qu'il marche<br />
plus outre. L'autre aussi qui aura des biens et des<br />
possessions, qui aura train de marchandise, qu'il<br />
regarde: Or çà, s'il falloit que tu fusses appovri,<br />
que seroit-ce? Si Dieu vouloit pour la gloire de<br />
son nom que tu n'eusses pas du pain à manger,<br />
que ferois-tu? Si un homme trouve: O il me seroit<br />
impossible de cela, i'aimerbye mieux cent fois<br />
mourir que d'endurer [pag. 292] telle disette: qu'il<br />
pense, Helas, ie suis encores bien eslongné de Dieu:<br />
il faut donc m'efforcer mieux que iamais. Autant<br />
en est-il de toutes les autres povretez. S'il falloit<br />
que l'un quitast son pays, l'autre femme et enfans.<br />
et qu'il ne peust arracher cela de soy-mesme, qu'il<br />
•n'y eust de grands bouillons, qui l'empeschassent de<br />
se renger: qu'il cognoisse: Or çà, ie cuidoye estre<br />
bien obéissant à Dieu: mais ie l'ay cuidé tant seulement,<br />
ce n'a esté qu'une imagination vaine d'où<br />
i'estoye deceu. Il faut donc que ie me despouille<br />
de ces passions, et que ie commence de renoncer à<br />
moy et à tout ce que i'aime, et que Dieu cognoisse<br />
que ie suis addonné à luy, et qu'il approuve mon<br />
service. Voila donc, ce que nous avons à retenir