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[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

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<strong>tel</strong>-<strong>00462108</strong>, version 1 - 8 Mar 2010<br />

délimités : pas <strong>de</strong> nom propre, pas <strong>de</strong> date précise. Tout est comme embrumé, suspendu<br />

dans l’intemporel. Autrement dit, tout est transparent comme si l’auteur voulait faire<br />

comprendre au lecteur que l’essentiel n’est pas <strong>de</strong> déterminer précisément « quand » et<br />

« où » mais plutôt d’observer le récit en tant que symbole ou parabole. Le lecteur<br />

attentif i<strong>de</strong>ntifiera tout <strong>de</strong> même que le récit se déroule <strong>de</strong> l’automne au printemps (la<br />

partie finale sera i<strong>de</strong>ntifiée en la Semaine Sainte) dans un « petit village », sans doute<br />

morave, qui donnait au narrateur l’impression « d’une épave immobilisée sous <strong>de</strong>s<br />

cons<strong>tel</strong>lations étrangères et séparée <strong>de</strong>s lieux les plus proches par <strong>de</strong>s distances<br />

infranchissables. Les routes qui le traversaient semblaient coupées du reste du mon<strong>de</strong><br />

par un abîme sans fond » 327 . Voil<strong>à</strong> une présence <strong>de</strong> la guerre. Rien qu’<strong>à</strong> regar<strong>de</strong>r les<br />

champs lexicaux <strong>de</strong> cette phrase, les attributs <strong>de</strong> la guerre surgissent : <strong>de</strong>struction et<br />

asservissement (« épave immobilisé »), occupation (« sous <strong>de</strong>s cons<strong>tel</strong>lations<br />

étrangères »), rupture et clôture (les « lieux les plus proches » séparées par <strong>de</strong>s<br />

« distances infranchissables » ; « coupées du reste du mon<strong>de</strong> », « abîme sans fond »).<br />

La guerre, constamment présente, n’est pas ici mise au premier plan, elle n’est pas<br />

exposée explicitement <strong>de</strong> manière <strong>de</strong>scriptive, sa présence est sous-jacente, faisant le<br />

fond et l’arrière-plan <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> chaque homme. Elle se trouve comme dissimulée<br />

<strong>de</strong>rrière les faits divers <strong>de</strong> l’existence quotidienne dans laquelle elle distille les<br />

sentiments <strong>de</strong> peur, d’angoisse, <strong>de</strong> méfiance. L’art <strong>de</strong> Č<strong>ep</strong> n’est pas celui <strong>de</strong> décrire<br />

mais <strong>de</strong> suggérer au moyen d’un raccourci ou d’un sous-entendu efficaces, d’une<br />

allusion, d’une périphrase ou d’une image inattendues. Au lieu <strong>de</strong> révéler les<br />

événements et les faits <strong>de</strong> la guerre, Č<strong>ep</strong> tente d’évoquer son atmosphère monstrueuse.<br />

Il suffit <strong>à</strong> Č<strong>ep</strong> <strong>de</strong> quelques images, <strong>de</strong> quelques métaphores bien choisies,<br />

accompagnées d’un vocabulaire spécifique pour suggérer <strong>de</strong> façon inimitable la guerre<br />

et l’ambiance étouffante <strong>de</strong> l’Occupation. Ainsi par exemple, au lieu d’employer la<br />

dénomination directe « Gestapo », Č<strong>ep</strong> exploite dans son texte par une métaphore<br />

récurrente : « ce mauvais œil gigantesque aux pupilles innombrables ». L’emploi et le<br />

retour <strong>de</strong> cette métaphore suffit <strong>à</strong> créer l’atmosphère d’angoisse et <strong>de</strong> peur qui régnait<br />

sous l’Occupation, <strong>à</strong> en saturer les vies <strong>de</strong>s gens, la vie du petit village :<br />

Les gens se blottissaient dans leurs maisons ancestrales pour échapper <strong>à</strong> ce mauvais œil gigantesque<br />

aux pupilles innombrables, qui pénétrait les coins les plus cachés et les pensées les plus secrètes. Nul<br />

sacré ; les bureaux d’embauche sévissaient... » […] « la terrible théorie <strong>de</strong>s races cheminait dans cette<br />

partie du mon<strong>de</strong> et laissait sur ses traces <strong>de</strong>s larmes, du sang, <strong>de</strong>s monceaux <strong>de</strong> cadavres, une semence<br />

inexpiable <strong>de</strong> Caïn... », p. 90.<br />

327 Les Tziganes, p. 85-86.<br />

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