[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
d’autant plus qu’il essaya, à cette même époque, l’ « autotraduction » (surveillé et aidé
par Henri Pourrat) 823 . Lorsque Michel-Léon Hirsch traduisit son récit Cesta na jitřni
(sous le titre La Nuit de Noël) pour La Revue française de Prague, Čep avisa Pourrat
des difficultés de l’entreprise et déplora le résultat de la traduction qui « a été bien
difficile et est parfois loin de rendre toutes les nuances de l’original » 824 . Et pourtant,
Michel-Léon Hirsch était considéré comme un très bon traducteur du tchèque.
Dans cette citation, Čep ne nous laisse pas encore entrevoir en quoi consistait cette
difficulté de la traduction et pourquoi la version française n’était pas en mesure de
« rendre toutes les nuances de l’original ». Ce ne fut qu’en exil qu’il en a donné une
explication personnelle, dont nous avons cité précédemment des extraits importants.
Néanmoins, dès avant son émigration il effleura le problème dans sa correspondance
avec son amie Madeleine Monzer. Dans une lettre de septembre 1946 Čep explique à sa
correspondante le caractère spécifique de son œuvre qui [l’] « empêchera probablement
d’être traduit avec succès en langues étrangères » :
Je me rends très bien compte de ce qui fait le défaut de mes proses : c’est le manque d’élément
proprement épique, de mouvement extérieur. A vrai dire, il ne s’y passe presque rien. Je ne saurais
dire moi-même si je ne tiens pas à raconter des « histoires » dans le sens habituel du mot, ou si je n’en
suis pas capable. (Du moins, je crois que je ne l’ai pas essayé, jusqu’ici.) Ce défaut (pour le justifier,
pourtant, je pourrais me réclamer des auteurs comme Catherine Mansfield, Marcel Arland ou même
Tchekhov, sans oser toutefois me comparer à eux) – ce défaut m’empêchera probablement d’être
traduit avec succès en langues étrangères. La qualité de ma prose (s’il y a une qualité) est beaucoup
trop liée au caractère et aux qualités de ma langue natale. 825
D’autres jugements, qu’il s’agisse de ceux de critiques, d’écrivains ou de simples
lecteurs, qu’il s’agisse de ceux de Tchèques ou de Français, mettent en relief la richesse
et la variété de la langue čepienne. C’est, selon la plupart des avis, cette « extraordinaire
beauté de la langue » qui se dresse en obstacle presque insurmontable à la traduction. Le
collaborateur à Radio Free Europe et ami de Čep, Alexandre Heidler, écrivit dans un
article où il s’intéressa au rapport de Jan Čep avec la littérature française, les mots
suivants :
Ce tchèque coloré, musical, succulent, vigoureux, savoureux, parfumé et toujours fin est, certes, la
grande croix des traducteurs de Čep ; et osons le dire : jusqu’à maintenant l’obstacle involontaire au
retentissement international véritable de son œuvre. 826
823 Voir le sous chapitre II.1. « La réception ‘française’ avant 1948 ».
824 J. Čep à H. Pourrat, le 23 novembre 1933.
825 J. Čep à M. Monzer, le 19 septembre 1946.
826 « Tato barevná, hudebná, šťavnatá, jadrná, chutná, voňavá a vždy jemná čeština je ovšem velká kříž
Čepových překladatelů; a můžeme snad říci: až dosud bezděčná překážka opravdového mezinárodního
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