[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
Ces « lacunes » sont donc ressenties comme une perte, une amputation de soi, une
négation de la vie ; ce sont elles qui « nous paralysent et entravent le plus notre
marche » 582 . Pour qu’il n’y ait pas de ces « lacunes » dans notre passé, il faudrait
collaborer activement avec le temps, essayer d’être pleinement présent dans notre vie,
de nous identifier entièrement avec chaque instant.
La vie humaine oscille donc entre les « courtes périodes de plénitude intérieure » et
« les heures, les jours, voire les années entières d’indolence, d’aridité, de fatigue » 583 .
La question que Čep se pose est de savoir s’il est possible de convertir le manque en
quelque chose de positif et valorisant, si l’homme détient les moyens de remplir ses
« lacunes » ou si elles sont destinées à rester irréparablement vides.
C’est que pour Čep ce n’est pas seulement le passé qui d’une certaine manière
influence et façonne le présent et peut préfigurer l’avenir informe mais, dans le sens
inverse, le futur peut modifier le passé et réorienter sa signification, sa portée et ses
perspectives. Le passé individuel, notre passé n’est pas immuable, c’est notre attitude à
l’égard de l’avenir qui peut faire renaître ces « lacunes » : « De notre parti pris vis-à-vis
de l’avenir dépend la faculté des endroits chauves de nos occasions à reverdir. » 584 Cette
idée est mieux éclairée si nous tenons compte du processus d’édification de la personne
chez Čep. Celle-ci ne se résume pas en effet dans les actes matériellement accomplis,
mais englobe aussi la potentialité, le devenir possible et voulu de la personne. La valeur
de la personne humaine ne dépend pas uniquement de ses actes, c’est-à-dire de son
« faire » mais tout autant de sa « puissance » et de son « vouloir ». Irrésistiblement, il
nous vient à l’esprit la définition que Maurice Zündel appliqua l’homme : « Je ne suis
pas, je puis être ». Čep, de son côté, renchérit :
Heureusement, je ne suis pas seulement ce que j’étais jusque à présent ; je suis aussi – et peut-être
davantage – ce que je devais et pouvais être, et ce que je voudrais être. La perspective de mon univers
intérieur et sa relation aux autres change de fond en comble, si je déplace son noyau et son centre de
gravité dans la direction dans laquelle mon moi est en train de se constituer. 585
582
Œuvres V, p. 36.
583
Ibid., p. 153.
584
« Na tom, jak se postavíme k budoucnosti, záleží, zda se zazelenají lysá místa našich zmrhaných
příležitostí […] », Œuvres V, p. 36.
585
« Nejsem však naštěstí jenom tím, čím jsem byl dosud; jsem také – a možná víc – tím, čím jsem měl
a mohl být, a čím bych chtěl být. Perspektiva mého vnitřního vesmíru a její vztah k druhým se od základu
změní, posunu-li její střed a její těžiště ve směru, v kterém se moje já teprve utváří. », Œuvres V, p. 138.
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