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[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

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<strong>tel</strong>-<strong>00462108</strong>, version 1 - 8 Mar 2010<br />

émigré 802 . Les racines qui attachent Č<strong>ep</strong> <strong>à</strong> sa patrie et <strong>à</strong> sa région natale, <strong>à</strong> son passé et <strong>à</strong><br />

sa langue, sont <strong>tel</strong>lement fortes qu’elles ne se laissent pas arracher une fois pour toutes.<br />

Aussi faut-il le souligner : Č<strong>ep</strong> manque <strong>de</strong> conditions favorables <strong>à</strong> la transculturation, <strong>à</strong><br />

cette assimilation réussie et totale : il reste <strong>à</strong> la fois père et mari français (c’est-<strong>à</strong>-dire<br />

d’une famille française) et homme dont la vie est toujours assurée par l’usage du<br />

tchèque – ses émissions pour la Radio Free Europe sont écrites dans sa langue<br />

maternelle. Ainsi, nous ne <strong>de</strong>vons pas nous étonner que le déracinement linguistique<br />

subsiste sur toute la durée <strong>de</strong> son exil et qu’il semble parfois plutôt augmenter au lieu<br />

que diminuer. Deux notations tirées <strong>de</strong> son journal intime l’illustrent bien : Č<strong>ep</strong> avoue<br />

un désespoir aussi grand dix ans après que dans les premières années :<br />

Cette belle langue française que je me suis appliqué <strong>à</strong> dominer et que j’ai plus que jamais l’impression <strong>de</strong><br />

ne pas savoir. – [J]e me sens terriblement désemparé par la langue, il me semble que je m’exprime en<br />

français <strong>de</strong> plus en plus mal [...]) 803<br />

Il n’est pas rare <strong>de</strong> lire parmi ces notations journalières <strong>de</strong>s passages qui émeuvent<br />

profondément et laissent entrevoir le côté tragique <strong>de</strong> l’exil <strong>de</strong> Č<strong>ep</strong>. En voici une :<br />

Décidément les Français ne veulent pas <strong>de</strong> moi ; l’amour qui n’est pas rendu. Je suis tout seul. A qui<br />

m’adresser encore ? Pourquoi m’obstiné-je <strong>à</strong> écrire ce cahier en français ? Tout autant je pourrais<br />

l’écrire en kabyle, si je le savais. La réponse est facile : il n’y a qu’<strong>à</strong> écrire en tchèque, ma langue<br />

natale, la seule langue au mon<strong>de</strong>. 804<br />

Si l’écrivain en exil veut continuer son œuvre, il doit faire un choix dramatique. Va-<br />

t-il poursuivre son œuvre dans sa langue natale ou vaut-il mieux la r<strong>ep</strong>rendre dans celle<br />

du pays d’adoption ? La solution n’est pas simple. S’il continue <strong>à</strong> écrire dans sa langue,<br />

il risque <strong>de</strong> n’avoir qu’un public virtuel. Pour ceux qui déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> changer <strong>de</strong> langue<br />

surgissent également <strong>de</strong>s difficultés majeures. Sauront-ils satisfaire aux exigences <strong>de</strong> la<br />

langue littéraire et seront-ils en mesure d’exprimer leur vision poétique dans une langue<br />

qui n’est pas leur langue maternelle ? Et puis sauront-ils satisfaire au goût du public<br />

étranger, <strong>de</strong>vineront-ils son « horizon d’attente » ? Sauront-ils offrir quelque chose<br />

d’attrayant pour ces lecteurs nouveaux, lecteurs qui ne partagent pas le sort <strong>de</strong>s<br />

écrivains exilés, qui ont alors <strong>de</strong>s problèmes forcément différents <strong>de</strong>s leurs ? Certaines<br />

d’entre elles obsè<strong>de</strong>nt Č<strong>ep</strong> avec une <strong>tel</strong>le insistance qu’il se livre <strong>à</strong> les traiter dans ses<br />

essais.<br />

802 Cf. T. Todorov, L’Homme dépaysé, Seuil (L’Histoire immédiate), 1996, p. 22-25.<br />

803 Journal, respectivement le 27 juin 1950 et le 23 août 1960.<br />

804 Ibid., le 9 décembre 1950.<br />

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