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[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

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<strong>tel</strong>-<strong>00462108</strong>, version 1 - 8 Mar 2010<br />

promettait une existence confortable sachant qu’il pourrait les contrôler aisément <strong>à</strong> tout<br />

moment. Pour ce qui concerne <strong>Jan</strong> Č<strong>ep</strong>, nous avons enregistré au moins <strong>de</strong>ux tentatives<br />

qui avaient pour but <strong>de</strong> le persua<strong>de</strong>r <strong>de</strong> retourner au pays. Ce fut d’abord son ami <strong>de</strong><br />

jeunesse Vilém Závada qui lui proposa vers 1959 <strong>de</strong> rentrer, affirmant que le ministre<br />

Kopecký, le même qui avait interdit le discours <strong>de</strong> Č<strong>ep</strong> <strong>à</strong> la mémoire <strong>de</strong>s étudiants morts<br />

dans la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale, aurait arrangé tout le nécessaire pour son installation<br />

dans le pays. Č<strong>ep</strong> consigne en détail la visite <strong>de</strong> son ancien ami dans son journal. Le<br />

lecteur pardonnera la longueur <strong>de</strong> la citation suivante. Elle révèle bien <strong>à</strong> la fois la<br />

perfidie du régime et le bouleversement <strong>de</strong> Č<strong>ep</strong> dû <strong>à</strong> pareille proposition :<br />

L’autre jour <strong>à</strong> Châtenay-Malabry, je me suis laissé aller <strong>à</strong> raconter la rencontre avec V.Z., il y aura<br />

bientôt un an. D’abord le coup <strong>de</strong> téléphone <strong>de</strong> Sima, pour me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si je consentirais <strong>à</strong> voir V.Z.<br />

chez lui. A mon arrivée il s’est jeté dans mes bras en s’écriant « Honzičku » 177 . Il est vrai que dans nos<br />

années universitaires nous étions comme <strong>de</strong>s frères ; au collège nous partagions pendant <strong>de</strong>ux ou trois<br />

ans, une même chambre. Nous avons publié presque en même temps nos premiers livres. Après le<br />

putsch, il est <strong>de</strong>venu directeur <strong>de</strong> la bibliothèque nationale <strong>de</strong> Prague. Il est membre du présidium, <strong>de</strong><br />

l’union <strong>de</strong>s écrivains tchécoslovaques. Ainsi nous nous sommes revus après onze ans.<br />

Lui sensiblement vieilli (moi aussi), avec la peau plissée près <strong>de</strong>s yeux. Nous parlions <strong>de</strong> nos amis<br />

communs, <strong>de</strong> ceux qui ont été condamnés <strong>à</strong> <strong>de</strong>s années <strong>de</strong> prison ; <strong>de</strong> la dictature du régime dans [les]<br />

domaine[s] <strong>de</strong> la pensée et <strong>de</strong> la parole. Il semble désapprouver tout cela comme nous, <strong>de</strong> la déplorer,<br />

d’en être sincèrement affligé. Il sort avec moi, se met dans le métro avec moi. Il consent <strong>à</strong> venir nous<br />

voir chez nous, tout seul, et <strong>à</strong> condition qu’on n’en parle <strong>à</strong> personne. Il vient en effet. […] Nous<br />

parlons <strong>de</strong>s temps passés, évoquons nos amis communs. Tout d’un coup, dans un intervalle <strong>de</strong> silence,<br />

il me pose la question : Ne voudrais-tu pas rentrer ? Je suis <strong>tel</strong>lement foudroyé que je commence <strong>à</strong><br />

faire la sour<strong>de</strong> oreille et <strong>à</strong> mettre la conversation sur un autre sujet. Au bout <strong>de</strong> quelques phrases il<br />

revient <strong>à</strong> l’assaut : « Tu sais ce serait facile ; j’en ai déj<strong>à</strong> parlé <strong>à</strong> Kopecký, il est prêt <strong>à</strong> tout arranger.<br />

Evi<strong>de</strong>mment tu ne pourrais pas publier <strong>de</strong>s livres, au moins pas tout <strong>de</strong> suite ; mais tu pourrais faire<br />

<strong>de</strong>s traductions, tu toucherais un revenu régulier <strong>à</strong> l’union <strong>de</strong>s écrivains ». J’étais terriblement gêné ; je<br />

ne trouvais pas <strong>de</strong> mots pour lui répondre. Mon premier mouvement a été <strong>de</strong> le mettre <strong>à</strong> la porte.<br />

Comment a-t-il pu me faire cette proposition, après tout ce qu’il avait admis... Nos amis en prison<br />

etc... J’ai fini par lui répondre qu’il ne pouvait être quesiton <strong>de</strong> mon retour tant que la parole et la<br />

pensée seront asservies, l’Eglise et la religion poursuivies, les âmes <strong>de</strong>s jeunes abasourdies par une<br />

propagan<strong>de</strong> athée furieuse. La soirée s’est finie dans un malaise pénible. En partant il m’a embrassé <strong>de</strong><br />

nouveau en répétant : « Réfléchis <strong>à</strong> ce que je t’ai dit et écris-moi ». Et si c’est non, avons-nous encore<br />

la chance <strong>de</strong> nous revoir ? Tu viendras peut-être ici <strong>de</strong> nouveau... Il a haussé les épaules, en me jetant<br />

un certain regard. Je n’en ai pas dormi pendant plusieurs nuits. Comment a-t-il osé ? Cela ne pouvait<br />

pas être seulement une idée <strong>à</strong> lui. Est-ce que je les gênerais plus étant <strong>de</strong>hors que s’ils m’avaient<br />

constamment sous leurs yeux sinon sous les verrous ? Je n’y comprenais rien. D<strong>ep</strong>uis, je l’ai<br />

rapproché d’une phrase que m’a fait [sic] lire Egon Hostovský : le Polonais P. ayant visité la<br />

Tchécoslovaquie r<strong>ep</strong>roduisait dans sa lettre les paroles d’un poète communiste <strong>de</strong> l<strong>à</strong>-bas. Que les seuls<br />

écrivains tchèques contemporains qui valaient quelque chose, étions nous <strong>de</strong>ux Egon Hostovský et<br />

moi... Consolation un peu amère. […] Jusqu’<strong>à</strong> cette visite chez les Monzer <strong>à</strong> Châtenay, je n’en ai rien<br />

dit <strong>à</strong> personne, sauf justement <strong>à</strong> Egon Hostovský <strong>à</strong> qui on s’était adressé il y a quelques temps, avec<br />

une proposition semblable. 178<br />

Quelques années plus tard, le jeune écrivain <strong>Jan</strong> Beneš dut transmettre <strong>à</strong> Č<strong>ep</strong> le<br />

même souhait exprimé cette fois-ci par le prési<strong>de</strong>nt Antonín Novotný. L’argument<br />

177 Forme familière et diminutive du prénom <strong>Jan</strong>.<br />

178 Cf. Journal <strong>de</strong> J. Č<strong>ep</strong>, le 27 juillet 1960.<br />

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