[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
puissance purement destructrice, il faut trouver un autre remède qu’un palliatif au retour
rêvé dans le pays d’enfance.
Il a été dit déjà plusieurs fois que l’exil avec ses conséquences linguistiques, sociales,
existentielles, entraîne un bouleversement identitaire qui peut provoquer l’éclatement du
sujet. Pavel Kříž s’en rend très bien compte, il l’éprouve sur lui-même au cours de son
aventure nocturne : « ‘Pendant toute la nuit je n’ai même pas combiné deux idées,’ se
dit-il avec honte. ‘Je me décompose... je dois me défendre.’ » 433 La situation de l’exilé
est représentée par une métaphore végétale, comme « une mise à nu des racines
physiques » :
Les branches de l’arbre semblent encore verdoyantes mais ce qui murmure en elles ne sont que des
souvenirs de la vie qui fut aspirée d’en bas. Cependant l’homme n’est pas un arbre et ne reçoit pas la
vie seulement depuis la terre. Les racines de l’âme sont tournées vers le haut, dans l’espace de la
lumière. 434
Afin que l’exil ne désagrège pas l’existence de l’exilé irrémédiablement, il est
nécessaire de puiser la force des sources spirituelles, car, comme le dit la citation
précédente, « les racines de l’âme sont tournées vers le haut, dans l’espace de la
lumière ». Cette distinction des espaces d’en bas et du haut, de la terre et du ciel, ne
correspond pas à autre chose qu’à la coexistence du « double chez soi » čepien.
L’homme doit assumer son destin terrestre mais il a pour tâche de le transcender. C’est
donc par une interpénétration des deux chez-soi, la plus partielle et la plus éphémère
qu’elle soit, que l’exilé parvient à endosser son exil. C’est la consolation métaphysique
qui sauve l’émigré chez Čep. On pourrait même pousser plus loin cette interprétation
dans un sens religieux plus étroit en se réclamant d’une veritas fidei catholicae de la
communion des âmes (communio sanctorum). C’est justement « en communion » dans
le sens du catholicisme que l’issue de la chausse-trappe de la solitude et de l’aliénation
de l’exil pourrait se trouver. Autrement dit, c’est dans la communion (spirituelle) avec
les autres – ceux que l’actualité pose devant moi aussi bien que ceux que j’ai laissés
dans la patrie – que se trouve la garantie du maintien de la continuité intérieure de
l’individu, de son intégrité, et la retrouvaille du sens dans le labyrinthe de l’exil. Pour le
433
« ‚Nedal jsem za celou noc dohromady ani dvě myšlenky,‘ řekl si zahanbeně. ‚Rozpadávám se…
musím se bránit.‘ », Œuvres III, p. 367.
434
« Větve stromu se zdají ještě zelné, ale šumějí v nich jenom vzpomínky života, který byl nasát zdola.
Člověk ovšem není strom a nepřijímá život jenom z hlíny. Kořeny duše jsou obráceny vzhůru, do
prostoru světla. », Œuvres III, p. 373.
159