[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
Etre exposé et caché à la fois. Savoir qu’on le regarde, qu’on l’observe avec
admiration et en même temps être protégé des regards (peut-être blessants), puisqu’il
leur tourne le dos, convenait à merveille à un petit Jan introverti et vulnérable au contact
des autres. C’était la position idéale qui confirmait en lui sans doute son sentiment de
supériorité, d’être privilégié.
Le presbytère, c’est en fait un milieu qui est propice au déploiement, à
l’épanouissement de la personnalité de l’enfant Jan, qui convient à son univers de rêve,
et fait contrepartie au monde des autres enfants, réel, dur, et parfois trop cruel. Il faut
bien soulever l’endroit où Čep relève pour la première fois la différence d’avec les
autres enfants pour mieux comprendre son attachement au service de l’autel. Les autres
représentaient surtout le danger :
Souvent, ils étaient plus forts et plus courageux que moi, ils étaient aussi plus durs et plus cruels ; ils
étaient capables de se moquer de vous, de vous taquiner méchamment, de provoquer des querelles
exprès. Ils aimaient se battre – ce que je n’ai jamais compris. Je ne crois pas avoir été lâche, mais je
détestais les bagarres ; elles me semblaient vaines et ridicules. Attaqué, je me défendais mal, je ne me
décidais pas à rendre gifle pour gifle. 745
Tandis qu’en dehors de l’église il est souvent bafoué, ici, près de l’autel, à proximité
du mystère sacré, il est protégé des autres, et de surcroît ici c’est lui qui joue le premier
rôle au regard des autres. C’est sa « revanche » en quelque sorte.
Tout compte fait, l’expérience du service de l’autel familiarisait ou intériorisait la
formation religieuse du petit Jan. La religion restait sans doute mystère et
transcendance, mais à force de servir le prêtre à la messe, elle devenait plus concrète,
plus palpable. D’où aussi cette métaphore corporelle permettant d’affirmer qu’il avait
« le rythme de la messe dans [s]es nerfs et dans [s]on sang » 746 . De tous les bénéfices
que lui apportait le service de l’autel, le plus saisissant fut sans doute l’expérience de
sécurité, de protection qui va jusqu’à se confondre avec le sentiment d’être aimé.
L’expérience fait partie de cette atmosphère heureuse qui enveloppait l’enfance de Čep
et contrebalançait les mauvais coups et les traumatismes aussi nombreux que virulents.
Apparaît le sentiment incertain de recevoir quelque chose en don, sentiment qui n’est
autre que l’amour :
Dans l’ensemble, j’aurais avoué être heureux, si quelqu’un m’avait posé cette question ; mais je
n’aurais pas prononcé ce mot de moi-même – par pudeur, et aussi parce que j’imaginais assez mal ce
qu’il voulait dire au juste. […] Si j’en avais été capable, j’aurais plutôt parlé d’une certaine douceur,
745 Ma Sœur l’angoisse, op. cit., p. 25.
746 Ibid., p. 55.
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