[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
intimide Pavel Kříž et exacerbe chez lui son « complexe des papiers » dont il souffrait
déjà auparavant, mais qui en exil devient obsessionnel :
Ses amis se moquaient de Pavel pour son « complexe des papiers ». C’était plus fort que lui. Il avait
toujours mauvaise conscience, l’impression que ses papiers n’allaient pas, que l’on y décèlerait
quelque chose de suspect ; que l’on découvrirait soudainement qu’il ne devait pas être là où il était. 413
L’incarnation du pouvoir à la fois anonyme et tout-puissant de l’administration
étrangère, c’est la préfecture. L’évocation de l’atmosphère de ce lieu, décrit en une sorte
de collecte d’humiliation et d’avilissement humains, n’est pas dissemblable de l’univers
étouffant des romans kafkaïens :
La salle sordide où échouent les existences rejetées de tous les chemins, terres et océans... Mélange
des langues de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, regards errants dans les visages basanés, chaussures
trouées, loques flasques... Sur un banc sans appui une femme donne indolemment le sein à un gosse
hurlant. De temps en temps, un fonctionnaire entre, le poignet plein de papiers, et crie des noms
mutilés, dans lesquels personne ne se reconnaît. 414
A quel point défiguré le héros devait-il entendre l’appel de son nom compliqué par
trois accents tchèques, imprononçable pour un Français : Kříž ? La langue, c’est en effet
un enjeu majeur de la littérature d’exil. Chez Čep, il est présent abondamment.
IV.2.3.2. La langue aliénée et la communication impossible
Une autre facette de l’exil, c’est le bouleversement identitaire causé par le
dépaysement subi et par le déracinement de toutes les certitudes dont la première est
sans doute celle de la langue maternelle 415 . Une sorte de scission linguistique se laisse
observer dans les deux récits d’exil.
Premièrement, nous la distinguons dans le matériau linguistique (lexiques, tournures,
phrases brèves) des récits, notamment dans les dialogues qui sont à plusieurs reprises
413 « Přátelé se smávali Pavlovi pro jeho „papírový komplex“. Bylo to silnější než on. Měl vždycky špatné
svědomí, že s jeho papíry není něco v pořádku, že na nich objeví někde něco podezřelého; že najednou
objeví, že nemá být tam, kde je. », Œuvres III, p. 365.
414 « Špinavý sál, v kterém ztroskotávají vyvržené existence všech cest, zemí a oceánů… Míchanina
jazyků Evropy, Afriky a Asie, těkavé pohledy v snědých tvářích, díry v botách, splihlé cáry… Na dřevěné
lavici bez opěradla sedí žena a podává lhostejně prs křičícímu děcku. Občas vstupuje úředník s hrstí
papírů a vyvolává zkomolená jména, v kterých se nikdo nepoznává. », Œuvres III, p. 367.
415 Les conséquences du déracinement linguistique pour l’écrivain Čep seront traitées dans le dernier
chapitre de la thèse « L’écrivain exilé et sa langue ».
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