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[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

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<strong>tel</strong>-<strong>00462108</strong>, version 1 - 8 Mar 2010<br />

même scénario que pour Le Figaro s’est répété. Malgré l’« intérêt » du journal pour les<br />

matériaux, leur retard fut <strong>tel</strong> qu’il ne permettait plus leur publication 219 .<br />

Le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s écrivains emprisonnés<br />

Après avoir réglé la question <strong>de</strong>s religieux, le régime ne tarda pas <strong>à</strong> poursuivre sa<br />

mission liquidatrice dans les rangs <strong>de</strong>s in<strong>tel</strong>lectuels et <strong>de</strong>s écrivains. L’aboutissement<br />

<strong>de</strong>s épurations et <strong>de</strong> l’intimidation la plus brutale fut <strong>de</strong>ux procès d’écrivains notamment<br />

catholiques qui eurent lieu en juin 1952. Č<strong>ep</strong> en fut complètement bouleversé, sachant<br />

que le même sort lui aurait été réservé s’il était resté en Tchécoslovaquie. La pensée <strong>de</strong><br />

ses amis emprisonnés ne le quittait plus, elle <strong>de</strong>vint l’obsession permanente <strong>de</strong> son exil,<br />

l’immobilisant et le paralysant au point <strong>de</strong> tarir, selon V. Peška, sa veine créatrice 220 .<br />

Malgré tout, Č<strong>ep</strong> ne resta pas inactif, il ne s’enferma pas dans un mutisme angoissant.<br />

Celui qui, d’après le même Peška, appartenait <strong>à</strong> « ceux, rares, qui partagent <strong>à</strong> la lettre le<br />

<strong>de</strong>stin <strong>de</strong> sa nation » 221 ne pouvait pas rester muet <strong>de</strong>vant les souffrances faites <strong>à</strong> ses<br />

compatriotes. Comme pour les religieux, il crie sa colère et son dégoût et plai<strong>de</strong> pour les<br />

innocents condamnés, mais comme dans le cas <strong>de</strong>s religieux, peu <strong>de</strong> gens lui prêtent<br />

l’oreille. Fournissons <strong>à</strong> notre propos quelques exemples.<br />

Il est certain, qu’il s’exprima avec obstination sur le sujet <strong>de</strong>s écrivains persécutés<br />

dans sa correspondance avec ses amis français. Puisqu’il s’agit ici d’un message privé,<br />

ne visant pas un grand nombre <strong>de</strong> gens, nous n’en donnerons que cet exemple tiré d’une<br />

lettre <strong>à</strong> Henri Queffélec, où, <strong>à</strong> nouveau, on peut lire la déc<strong>ep</strong>tion <strong>de</strong> Č<strong>ep</strong> <strong>de</strong>vant<br />

l’attitu<strong>de</strong> passive et disproportionnée adoptée par <strong>de</strong>s in<strong>tel</strong>lectuels français :<br />

Je ne désire pas la guerre et je n’incite pas <strong>à</strong> la guerre. Mais je ne peux pas oublier un instant ceux qui<br />

sont écrasés l<strong>à</strong>-bas tous les jours. Mes meilleurs amis sont en prison. J’ai l’impression qu’on<br />

n’imagine pas en France ce que c’est [que] cet étouffement monstrueux. On ne prête pas assez<br />

d’attention <strong>à</strong> ces procès où les gens ne sont plus semblables <strong>à</strong> eux-mêmes, où ils paraissent vidés <strong>de</strong><br />

leur i<strong>de</strong>ntité. Ce n’est pas un fait révolutionnaire ; c’est un système, c’est la nouvelle conc<strong>ep</strong>tion <strong>de</strong><br />

l’homme qui s’exprime par ces procédés, c’est l’avenir. Non, je ne peux pas l’acc<strong>ep</strong>ter. Je sais, le<br />

219 Cf. J. Č<strong>ep</strong> <strong>à</strong> V. Peška, le 9 octobre [novembre] 1952.<br />

220 « La raréfaction, puis l’arrêt <strong>de</strong> sa création littéraire, chez un être aussi sensible et fragile que <strong>Jan</strong> Č<strong>ep</strong>,<br />

s’expliquent par ce brutal double exil. Il vit en liberté, certes, mais il vit déchiré, crucifié car ses frères<br />

dans son pays restent exposés aux souffrances qu’il éprouve quasi charnellement. », V. Peška, « Deux<br />

types d’écrivains en exil : <strong>Jan</strong> Č<strong>ep</strong> et Egon Hostovský », Émigration et exil dans les cultures tchèque et<br />

polonaise, op. cit., p. 221. Nous comprenons cette sentence <strong>de</strong> Peška dans le sens où toute création peut<br />

paraître vaine et futile <strong>de</strong>vant une <strong>tel</strong>le souffrance, <strong>à</strong> moins qu’elle ne soit pas due <strong>à</strong> cette souffrance<br />

même.<br />

221 Ibid.<br />

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