[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
[…] en exil se poursuivait la chamaillerie des partis et l’éclatement de chez-nous, chacun travaillait à
son compte ou au compte de son ancien groupe politique, vivait dans le passé, et ce n’était pas gai,
cela signifiait vivre des souvenirs de la défaite, c’est-à-dire des amertumes, des récriminations et des
accusations des uns et des autres pour une culpabilité commune, aucune idée unificatrice, ni
programme, aucune personnalité centrale et fédératrice, saillante du point de vue des idées, autour de
laquelle le rassemblement serait possible. 256
Dans de telles conditions, même si Čep avait été vraiment tenté par la carrière
politique, et ce n’était pas le cas, ces pratiques malsaines l’en dégoutèrent aussitôt,
d’autant plus que lui-même, malgré la distance qu’il prenait avec toute action politique,
ne fut pas toujours épargné par les brouilleries et les marchandages entre les diverses
groupements politiques de l’exil 257 .
Dans ces premières années de l’institutionalisation de l’émigration tchécoslovaque,
la seule adhésion directe de Čep à un organisme que l’on pourrait qualifier – et ce ne
serait encore que partiellement – de « politique », serait sa signature de la proclamation
du MDS. Ainsi, délibérément distancié vis-à-vis de la politique active, Čep continuait à
réfléchir sur les événements qui faisaient bouger le monde comme en témoignent
nombre de commentaires de l’actualité dans son journal intime. Concluons à propos des
épisodes politiques par celui où Čep rapproche les conceptions sociales des différents
régimes politiques avec les positions exprimées dans la doctrine sociale de l’Eglise :
Il y a, malgré les apparences mesquines, quelque chose de très réel et de très grave à la base de la
querelle qui sépare le parti de B. [Bohdan Chudoba 258 ] et les autres. Les autres sont socialistes et
athées (ou libéraux tout au plus) CH. [Chudoba] est catholique et croyant, et quant au problème social,
il se réclame de la doctrine contenue dans les Encycliques. Cette doctrine a été déjà interprétée, avec
des nuances différentes, par le régime Dollfuss, Schuschnigg, Mussolini, Salazar, Franco. Les
déclarations récentes faites par le général de Gaulle présentent beaucoup d’affinités avec les tendances
sociales de ces régimes là. Pour les socialistes, tout ça c’est du fascisme. Il faudrait s’entendre sur les
mots et sur la chose. Les socialistes connaissent-ils vraiment ce qu’ils condamnent avec une telle
irritation ? Une différence profonde n’existe-t-elle pas par exemple entre le régime de Salazar et celui
de Mussolini ? Mais aussi « la doctrine sociale de l’Eglise » n’a-t-elle pas un peu évolué au cours de
ces vingt dernières années ? N’a-t-elle pas fait certaines concessions aux idées et méthodes
« socialistes » ? Evidemment, le Christianisme ne peut jamais s’accommoder du socialisme pris en
bloc, présenté comme une conception totale de l’homme et du monde. Dans le socialisme, c’est
l’homme qui se trouve au centre du monde, mais en même temps, il est sujet aux déterminismes
matériels, au mouvement « historique » fatal. Son destin est centré sur lui-même, trouve en lui-même
son accomplissement final. La question Chrétienne (et celle des philosophes anciens) sur l’origine, le
256 « […] v exilu pokračovalo stranické škorpení a roztříštění domácí, každý táhl a svou pěst či na pěst své
bývalé politické skupiny, žil v minulosti a to nebylo veselé, znamenalo to žít ze vzpomínek porážky, a
tedy z hořkostí, rekriminací a obviňování druhých za společnou vinu, jednotící myšlenka žádná ani
program, žádná centrální a tmelivá, ideově impozantní osobnost, okolo níž by se dálo sjednocení […] »
Cf. V. Černý, Paměti, op. cit., p. 500-501.
257 Čep réalisa avec stupéfaction que dans certains cercles de l’exil on le traita – sans doute à cause de son
implication à la MDS – d’être « vendu à Ripka ». Cf. Journal, le 6 janvier 1949.
258 Bohdan Chudoba (1909-1982), historien, traducteur, écrivain, journaliste et politicien. Sous
l’occupation nazie, il participa aux activités de la résistance. Entre 1946-1948 il fut député du Parti
populaire tchécoslovaque. Il émigra après le putsch de février 1948 et enseigna dans les universités de
Madrid et de Chicago.
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