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[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

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<strong>tel</strong>-<strong>00462108</strong>, version 1 - 8 Mar 2010<br />

n’était plus en sécurité chez soi, chacun se sentait épié ; le sommeil même, plein <strong>de</strong> cauchemars, ne<br />

nous appartenait plus. […] Les grands froids aux immenses nuits étoilées étreignirent la terre. En<br />

même temps, le règne <strong>de</strong> la terreur ralentissait le rythme <strong>de</strong>s cœurs. On ne parlait que <strong>de</strong>s victoires <strong>de</strong><br />

l’ennemi, que d’arrestations, <strong>de</strong> fusilla<strong>de</strong>s. Le mauvais œil gigantesque aux pupilles innombrables<br />

nous regardait <strong>de</strong> plus en plus près, hantait sans trêve notre solitu<strong>de</strong>, nos angoisses, nos prières. Nous<br />

ne nous sentions plus maîtres ni <strong>de</strong> notre corps ni <strong>de</strong> notre âme. En retenant notre haleine, nous<br />

écoutions la nuit le bruit <strong>de</strong> l’auto qui s’engouffrait dans le village, le crissement <strong>de</strong>s pas sur la neige<br />

croûteuse. Les ri<strong>de</strong>aux du black-out séparaient hermétiquement les familles du reste du mon<strong>de</strong> et les<br />

unes <strong>de</strong>s autres, mais ne pouvaient pas créer une atmosphère d’intimité. A chaque moment, on<br />

s’attendait <strong>à</strong> ce que quelqu’un frappât <strong>à</strong> la fenêtre, <strong>à</strong> la porte, <strong>à</strong> ce qu’une voix ru<strong>de</strong> parlât dans la<br />

langue étrangère. 328<br />

De même dans Le Secret <strong>de</strong> Klára Bendová, le souvenir <strong>de</strong> la guerre n’est pas rendu<br />

en <strong>de</strong>scription directe mais en image. De la guerre, ce « temps <strong>de</strong> la nuit la plus noire »,<br />

ce « spectre <strong>de</strong> longues années » n’est évoquée qu’une scène <strong>de</strong> raid d’avions, elle aussi<br />

au moyen d’une image saisissante qui s’enracine très bien dans le contexte d’une belle<br />

journée d’été presque idyllique :<br />

L<strong>à</strong> haut, <strong>de</strong> grands oiseaux blancs planaient, n’agitant pas les ailes, groupés dans <strong>de</strong>s formations<br />

géométriques étranges, baignés <strong>de</strong> soleil, proches et inaccessibles <strong>à</strong> la fois, porteurs d’espoir et <strong>de</strong><br />

mort. 329<br />

Ce n’est que la réaction <strong>de</strong>s gens, lesquels s’agitaient, qui suggère la gravité <strong>de</strong> la<br />

scène et le chaos <strong>de</strong> la guerre :<br />

Les gens en bas dans les jardins levaient les bras, ne retenaient pas les cris <strong>de</strong> : ‘L<strong>à</strong> aussi, et l<strong>à</strong>, et<br />

encore !’ Quelqu’un s’est mis <strong>à</strong> compter, mais <strong>à</strong> cause <strong>de</strong> l’émoi, il se trompait sans cesse. Et tout d’un<br />

coup il a grondé comme s’il tonnait, mais <strong>de</strong> manière un peu sèche, sans résonance, et <strong>de</strong>s éclairs<br />

sortirent <strong>de</strong> la terre. 330<br />

La Libération du 9 mai 1945 par l’armée russe entraîna l’euphorie quasi générale du<br />

peuple tchèque et <strong>de</strong>vint immédiatement l’objet <strong>de</strong> r<strong>ep</strong>résentation littéraire, dans les<br />

poèmes et les o<strong>de</strong>s d’abord, dans les nouvelles et les romans après. Nous avons fait<br />

observer ailleurs que Č<strong>ep</strong> ne partageait pas cet enthousiasme, qu’il n’adhérait pas <strong>à</strong> cette<br />

frénésie collective, aidée par certains intérêts politiques. Il fut au contraire saisi d’un<br />

malaise, ressentant avec acuité le provisoire <strong>de</strong> la liberté regagnée. L’incarnation <strong>de</strong> son<br />

malaise et sa vision <strong>de</strong>s événement <strong>de</strong> mai 1945 se trouvent dans la nouvelle Le Secret<br />

<strong>de</strong> Klára Bendová et dans l’esquisse Les Journées <strong>de</strong> mai.<br />

328 Les Tziganes, p. 86, 88-89.<br />

329 « [P]luli tam vysoko velicí bílí ptáci, nehýbajíce křídly, seskupení v podivných geometrických<br />

útvarech, zalití sluncem, blízcí a zároveň nedostupní, nosi<strong>tel</strong>é naděje i smrti. », Œuvres III, p. 338.<br />

330 « Lidé dole v zahradách zvedali ruce, nezdrželi se výkřiků: ‘Tamhle také, a tamhle, a ještě!’ Kdosi<br />

začal počítat, ale vzrušením se ustavičně mátl. A vtom už to zadunělo, jako když hřmí, ale jaksi suše, bez<br />

ozvěny, a od země vylítly blesky. », Œuvres III, p. 338.<br />

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