[tel-00462108, v1] L'exil de Jan ?ep : contribution à l ... - HAL-Inria

tel-00462108, version 1 - 8 Mar 2010
reproduites sous la forme d’« un dialogue mixte, tchèque et français » 416 . Souvent les
dialogues entre les personnages sont entamés en français pour basculer vers le tchèque
de crainte que le texte ne devienne pour le lecteur incompréhensible. Le schéma de
l’interaction de deux langues est en général le suivant : une ou plusieurs répliques du
discours direct en français précèdent une narration (commentaire du narrateur) en
tchèque. Voici quelques exemples du texte original dans lequel nous mettons en italique
les parties en français tout en traduisant les parties tchèques entre crochets :
« Tiens, vous voilà ! », ozval se vedle Pavla Kříže čísi hlas. [se fit entendre à côté de Paul Croix la
voix de quelqu’un] […] « Ah, que je suis content de vois voir ici ! Pojďte, jsou tady Lecoqovi a
Vernierovi. Půjdeme si na chvíli někam sednout. [Venez, il y a les Lecoq et les Vernier. On va
s’asseoir un moment quelque part.] Ah, que je suis content que vous ayez pu partir ! » opakoval
mladý muž, odvlékaje Pavla ke skupině, z které bylo slyšet smíšený hovor český a francouzský.
[répétait le jeune homme, traînant Paul vers un groupe duquel on entendait un dialogue mixte, tchèque
et français.] »
« C’était un beau pays, quand même… » řekl profesor Lecoq, podávaje mu ruku. [dit le professeur
Lecoq en lui tendant la main.] – « Quel dommage ! »
« Mon pauvre monsieur, vous n’avez pas de chance. Pokoj, který jsme pro vás chystali, předevčírem
vyhořel. Takový krásný tichý pokoj, s oknem přímo k moři…[La chambre qui était réservée pour vous
a entièrement brûlé. Une chambre belle et si calme donnant directement sur la mer…] »
« Jean-Paul ! » křičela z okna francouzská maminka, [cria d’une fenêtre une maman française]« tu
vas te salir ! » – Jean-Paul ovšem dělá, že neslyší, staví si dále hráze a můstky v kaluži, kterou
nechalo v bahně moře na útěku. [Jean-Paul fit bien sûr semblant de ne pas entendre et continua à bâtir
des barrages et des petits ponts dans une flaque délaissée dans la sable par la mer en fuite.] 417
Si dans l’Ile de Ré il s’agit plus ou moins d’une simple couleur locale, d’une
décoration extérieure, où le narrateur enregistre les énoncés des autres résidants qu’il
entend autour de lui (surtout des rappels à l’ordre aux enfants insolents de la part des
parents exaspérés), dans Devant la porte fermée cet amalgame de langues comporte un
aspect de gravité et veut suggérer le milieu de l’exil, l’interaction des exilés avec les
autochtones, leur assimilation entamée. Ce mélange de langues est symptomatique de
l’exil, il est l’expression d’une tension profonde entre la langue du présent, dont la
maîtrise est indispensable pour la survie des émigrés, et la langue du passé, ressentie
comme la perte, le déracinement. Par cette brassage des langues, Čep complique d’un
côté l’acte de la lecture à ceux qui ne possèdent pas les bases solides du français, d’un
autre côté les dialogues ainsi composés ont un charme indéniable pour les lecteurs
initiés à la langue française. Par une transposition des tournures et des phrases
françaises en tchèque, la qualité esthétique des deux nouvelles s’en serait trouvée
416 Œuvres III, p. 361.
417 Œuvres III, respectivement p. 361, 362, 369, 373. Les deux premiers extraits sont tirés de Devant
la porte fermée, les deux autres de l’Ile de Ré.
153